#10 Construire une communication inclusive

Inclusivement Vôtre – Côté expert’es – Léa Niang

Pour écouter l’épisode 10

Parce que l’inclusion passe par l’accessibilité de tous nos contenus, notre podcast est retranscrit à l’écrit. Vous pouvez retrouver la transcription écrite de l’épisode ci-après.

Dans cette retranscription, vous allez lire des passages rédigés en écriture inclusive et d’autres non. Chez Projet Adelphité, nous utilisons quotidiennement l’écriture inclusive, c’est pourquoi les interventions de Laura sont rédigées de cette manière. Cependant nous souhaitons retranscrire avec fidélité la parole de l’invité’e. Nous avons donc fait le choix de ne pas appliquer l’écriture inclusive lors de ses interventions.

Bonne lecture.

Transcript Episode #10

Introduction

Bienvenue dans ce nouvel épisode d’Inclusivement Vôtre !

Inclusivement Vôtre, c’est le podcast qui envisage la culture d’entreprise comme un pilier stratégique du développement des organisations, avec un prisme diversité et inclusion.

Je m’appelle Laura Driancourt et je suis l’hôte de ce podcast créé et produit par Projet Adelphité, l’agence de conseil et stratégie en diversité et inclusion qui propose une approche multidimensionnelle pour mettre ce sujet au coeur de la performance des organisations.

Bonne écoute !

Présentation de l’épisode

Depuis quelques années, les entreprises mettent de plus en plus en avant une communication centrée autour du féminisme mais n’appliquent pas ces principes dans leur organisation. Cette pratique s’appelle du féminisme washing.

Pour éviter de tomber dedans, Léa Niang, experte en communication inclusive nous transmet les bonnes pratiques qu’elle recommande à ses clients.

Contenu de l’épisode

La communication inclusive

Laura : Bonjour Léa.

Léa : Bonjour Laura.

Laura : Je suis ravie d’enregistrer cet épisode d’Inclusivement Vôtre avec toi. Merci beaucoup d’avoir accepté mon invitation.

Léa : Merci pour l’invitation surtout !

Laura : Comment tu vas ?

Léa : Je vais bien. Le climat est un peu stressant en ce moment. Il y a beaucoup de choses qui se passent, beaucoup de thématiques militantes et politiques qui sont un peu pesantes. Mais ça va et toi, comment tu vas ?

Laura : Écoute ça va, j’ai pas mal d’activité aussi en ce moment. J’essaye de me tenir un peu éloignée des médias et des news justement pour ne pas rentrer dans de l’angoisse. Mais on essaye de faire avancer le monde dans un sens positif à notre échelle.

Léa : Tout à fait.

Laura : Je te propose de te présenter et nous présenter ton activité.

Léa : Je m’appelle Léa Niang, je suis consultante, formatrice et speaker en communication inclusive. J’aide et je forme les entreprises à communiquer d’une manière qui intègre mieux la diversité pour s’adresser à davantage de personnes et à le faire sans tomber dans les stéréotypes et sans faire de faux pas. Ça fait deux ans que je me suis spécialisée en communication inclusive, j’ai un background en marketing digital, en communication digitale d’où la fusion un peu des deux activités.

Laura : Trop bien. Tu parles de communication inclusive, en quelques mots, comment toi, tu définirais la diversité et l’inclusion ?

Léa : Je vais aller aux définitions assez classiques, pour moi la diversité, tout simplement, c’est un fait, c’est une conclusion. C’est quelque chose qu’on observe autour de nous. La diversité dans la société, la diversité dans les entreprises, la diversité dans les gens qui sont autour de nous. L’inclusion, au contraire pour moi, c’est plus une action, quelque chose qu’on fait en conscience, pour justement inclure cette diversité et faire en sorte que toutes les personnes se sentent à leur place, écoutées et mises en valeur à la même échelle.

Laura : Super. Question suivante : comment tu définirais la culture d’entreprise ?

Léa : La culture d’entreprise, je vois ça comme un ensemble de valeurs et de pratiques qui sont défendues à la fois par la hiérarchie de l’entreprise mais aussi auquel tous, toutes les salarié’es peuvent s’identifier et peuvent avoir envie de les défendre. En interne comme en externe.

Laura : Super clair et justement en communication inclusive, comment culture d’entreprise, diversité et inclusion s’articulent avec ton activité ?

Léa : J’ai envie de rapprocher la notion de culture d’entreprise avec la notion d’inclusivité. On a parlé de diversité et d’inclusion. L’inclusivité qui, je le rappelle, n’est pas un mot qui existe en français, c’est une transposition de l’anglais, c’est plutôt pour moi, une politique, un engagement moral qu’on prend en tant qu’entreprise, pour mettre en œuvre tout ce qui est possible de mettre en œuvre pour favoriser sur le long terme l’inclusion. La communication inclusive, forcément, ça intègre cette notion d’inclusivité parce que ça nécessite de se remettre sans cesse en question, de remettre en question ses processus créatifs, la composition de ses équipes par exemple. Ça s’inscrit vraiment dans une politique, une pratique générale d’entreprise pour faire mieux.

Laura : En communication inclusive au jour le jour, ça peut se traduire comment ?

Léa : Comme je disais, ça peut se traduire déjà dans le fait de, par exemple, diversifier ses équipes dans la communication. Il y a, il ne faut pas le nier, un certain entre-soi. Il y a des études qui sont sorties qui montrent que les profils ont tendance à beaucoup se ressembler à la sortie d’école de communication, d’école de commerce etc. Je pense qu’il y a un vrai enjeu à chercher à diversifier les profils. Parce que diversifier les profils, forcément, ça veut dire diversifier les points de vue, diversifier les expériences de vie et du coup diversifier aussi les sensibilités qu’il peut y avoir. Par exemple, il y a tout un tas de pubs qui ne passeraient pas s’il y avait plus de femmes, plus de personnes minorisées au sein des équipes créatives. Je pense que ça passe aussi par le fait d’être plus à l’écoute des critiques et du public. Ce n’est pas un drame en soi de faire des erreurs dans notre manière de communiquer. Par contre, c’est un drame de ne pas être capable de prendre en compte les retours et de les utiliser pour faire mieux la fois suivante. Il y a toute une question autour de l’accessibilité des contenus par exemple. Pour parler dans le concret, par exemple les typographies qu’on utilise, les couleurs qu’on utilise, le fait de sous-titrer ses contenus ou non, de les interpréter en langue des signes, de faire attention à nos content warnings, toute cette panoplie d’outils pratico-pratiques qui peuvent aider à rendre notre communication plus inclusive et plus accessible.

Laura : Je pense qu’il y a plein de gens qui ne savent pas comment justement créer un contenu plus accessible et notamment quand il s’agit de typographie ou de couleur. Est-ce que tu veux bien développer là-dessus s’il te plaît ?

Léa : Le graphisme inclusif, ce n’est pas mon métier. Si je peux me permettre de donner une reco, je conseille d’aller consulter le compte Instagram de Jojo de Bleu Runner Studio qui est spécialisée en graphisme inclusif accessible. Pour passer dessus rapidement, en termes de couleur par exemple, on va vouloir choisir des couleurs qui peuvent être interprétées correctement, même si on est atteint de daltonisme par exemple. Il va falloir faire attention au contraste. Il va falloir faire attention, évidemment, à la juxtaposition des couleurs et faire en sorte que le contenu reste lisible. Par exemple, mettre du rouge sur du bleu, même si on n’est pas daltonienne, daltonien, ça reste quand même très compliqué à lire. C’est une question d’accessibilité aussi. Pour toutes les questions de typographie, il existe des typographies qui sont plus lisibles que d’autres, notamment les typographies avec des empattements grâce auxquelles il est plus facile de faire une différence entre les différentes lettres, par exemple entre un « i » majuscule et un « L » (minuscule) par exemple. Ce genre de petites attentions sur la typographie, ça permet de rendre la lecture plus facile, notamment pour les personnes dyslexiques et autres.

Laura : Super clair, merci. On va préciser aussi que l’accessibilité c’est aussi l’accessibilité numérique donc ça implique sur vos sites également de faire attention à tout ça parce que ça fait partie des supports de com’.

Léa : Tout à fait.

Laura : Je voulais aussi te demander par exemple toi tu interviens comment dans les entreprises ? Ça se passe comment ton intervention ?

Léa : Je peux intervenir sous différentes formes. La forme la plus courante, c’est sur la forme de formations, de workshops. J’ai quand même, pour bosser dans ce secteur depuis pas loin de deux ans, l’impression qu’en France, on en est pour l’instant au stade où on se renseigne, où on s’éduque. C’est vrai que sur la thématique de la communication inclusive, on est un peu en retard par rapport aux pays anglo-saxons. C’est quelque chose qu’on prend moins en compte. Pour l’instant, on est plus dans la formation que dans l’application concrète. J’anime des formations longues ou des webinaires master class d’une heure ou deux sur des sujets très spécifiques. Par exemple sur le langage inclusif, ça peut aussi être sur la communication inclusive de manière plus générale, mais plutôt dans le B-A.BA pour commencer à toucher un peu le sujet et voir comment ce sujet peut s’adapter à l’entreprise en question. Au-delà de la formation, il y a aussi toute la partie conseil où je peux travailler soit en direct avec des entreprises, soit au sein d’ateliers d’intelligence collective par exemple, où on va être plusieurs experts et expertes à venir apporter notre point de vue sur différentes problématiques et travailler ensemble à proposer une solution de communication ou de politique plus inclusive.

Laura : Typiquement là, tu parles des politiques de communication, mais mettons l’entreprise a fait un faux pas. Il y a une communication de crise. Est-ce que tu peux intervenir là-dessus de façon à ce que les entreprises puissent rédiger ce qu’on voit souvent : des briefs, des communiqués de presse pour répondre à ça, qui empirent les choses en fait, parce que les entreprises ne savent pas faire des excuses correctement. Est-ce que tu interviens aussi sur ce genre de sujet ?

Léa : Oui, je peux intervenir sur ce genre de sujet à condition que ce soit accompagné par des modules de formation. C’est chouette que tu parles de ça parce qu’effectivement je pense que les faux pas ne sont pas rares et effectivement les entreprises sont très peu nombreuses à savoir comment s’excuser. Souvent, il y a des excuses qui sont faites et pas grand-chose qui se passe derrière. Mon approche, c’est vraiment de bosser sur le long terme. Je n’ai absolument pas envie de travailler avec des entreprises qui sont dans le paraître. J’ai envie que ça soit suivi d’actions concrètes. Pour répondre succinctement à la question oui, je peux accompagner les entreprises là-dessus, à condition que ça soit accompagné de choses plus concrètes derrière.

Kim Kardashian et l’appropriation culturelle

Laura : C’est ce qu’on attend en général effectivement. Et est-ce que tu peux nous donner un peu les pré-requis, les étapes qu’il faut absolument avoir dans un communiqué de presse qui s’excuse correctement lorsqu’il y a eu un faux pas ?

Léa : Déjà, je pense qu’il faut prendre ses responsabilités, admettre qu’on a fait une erreur. Je pense c’est important de nommer, de mettre les mots exacts sur son erreur. Je prends l’exemple de Kim Kardashian, très people désolée. Kim Kardashian, qui a, il y a deux ans ou trois ans il me semble, annoncé la sortie d’une marque de lingerie qu’elle avait initialement nommé Kimono. Donc elle a évidemment été accusée d’appropriation culturelle. Elle a décidé de changer son nom. Et le changement de nom a été annoncé via un communiqué de presse, à aucun moment dans le communiqué de presse, il y a eu mention de la culture japonaise par exemple, ou des activistes, militants, militantes japonaises qui ont fait entendre leurs voix sur les réseaux sociaux par exemple. Ça a été complètement centré sur elle-même, sans jamais nommer, sans jamais expliciter le fait qu’effectivement, le nom qu’elle avait choisi constituait une appropriation culturelle de la culture japonaise à laquelle elle n’appartient absolument pas. Donc je pense que c’est important de poser les mots exacts sur l’erreur qu’on a fait. Je pense que dans un deuxième temps, il faut expliciter les actions qu’on va mettre en place pour réparer le mal qu’on a fait. Que ce soit là par exemple changer de nom mais aussi ça peut être le fait de lancer des formations en interne pour se sensibiliser à ces sujets-là. Ça peut être le fait d’entamer des discussions avec les personnes concernées par le sujet, en particulier pour trouver une solution ensemble et ne pas rester dans cet échec-là. Je pense qu’il faut, dans un troisième temps aussi, prendre des engagements vis-à-vis du futur, donner une date à laquelle on va pouvoir recontacter l’entreprise en lui disant : « OK, ça fait tant de mois qu’il s’est passé ce problème-là. Qu’est-ce que vous avez fait depuis pour accountable l’entreprise ? ». Je ne sais pas comment dire en français…

Laura : Pour responsabiliser.

Léa : Oui responsabiliser l’entreprise et la forcer à prendre des engagements sur le long terme pour que ce ne soit pas juste quelque chose comme ça, on s’excuse, on tourne la page. Je pense que justement ce genre de faux pas, c’est un outil vraiment très intéressant pour faire mieux, plus rapidement c’est mieux quand on se lance dans ces thématiques-là de nous-mêmes je dirais mais si un bad buzz doit mettre un coup de pied dans la fourmilière, autant tirer profit, j’ai envie de dire.

Laura : Oui, c’est un peu ce qu’il s’est passé aussi à Ubisoft avec le scandale en 2018 des cas de harcèlement sexuel notamment et iels ont mis en place un plutôt grand département Diversité et Inclusion dans la foulée pour justement essayer de faire évoluer la structure là-dessus et que ça ne se reproduise pas ou plus. Et c’est vrai que parfois le bad buzz peut permettre de faire évoluer les choses dans le bon sens. Après c’est toujours pareil les personnes qu’on embauche pour ça, il faut leur donner des moyens d’action. Donc on verra dans les années qui viennent si Ubisoft est à la hauteur des engagements pris. Évidemment ce n’est pas la seule structure, mais c’est un peu le gros scandale qui a eu dans les entreprises. C’est un peu le seul qui est vraiment connu dans les entreprises, concomitamment à MeToo et donc c’est essentiel de prendre des actions. Je crois que ça invite une certaine posture d’humilité aussi, parce que se remettre en question, de reconnaître qu’on a fait une erreur, c’est déjà une posture d’humilité et de dire : “on peut faire mieux et on devrait faire mieux.”.

Léa : Oui et moi je lui dis tout le temps ce n’est pas facile de se lancer dans ce genre de processus comme tu dis, ça demande vraiment une très grande humilité et pas seulement au début. D’ailleurs c’est un processus constant de remise en question. Il faut sans cesse se dire que ce qu’on fait au mieux aujourd’hui, peut-être que ça suffira plus dans quelques mois et faudra qu’on fasse mieux. Et même si on donne le meilleur de nous-mêmes peut-être que ça va quand même heurter des gens. On est vraiment dans une posture d’écoute et de remise en question sans cesse.

Laura : Complètement. Après la bonne nouvelle, c’est qu’au début ce n’est pas évident. C’est un peu comme les muscles quand on n’a jamais fait certains sports. En fait, on va être courbaturé et ça va demander énormément d’efforts. Et au fur et à mesure, ça devient quand même plus facile parce que c’est un muscle qu’on exerce, qu’on entraîne. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des fois où ça va être très compliqué, parce qu’il y a des séances qui sont plus difficiles que d’autres. Même quand c’est des sportif’ves de très haut niveau, iels ont des mauvaises séances, donc il y a des moments où potentiellement, on va avoir des couacs, ça se trouve. Les couacs seront opérés en interne assez tôt, pour pas que ça aille en externe. Alors, dans le sens où on parle de communication, là, évidemment. Et donc, quand on prépare la campagne, on se rend compte assez tôt en interne : “mais en fait, ça, ça ne va pas du tout le faire.”. Et comme tu dis, il y a des choses qui évoluent dans les années. Je pense par exemple aux séries dans les années 2000, où il y a eu un peu un mouvement de girl power avec des séries avec beaucoup de femmes etc. Mais ça restait très blanc. Les castings étaient super blancs, je pense alors plus dans les années 1990, mais à Sex and the City. Mais typiquement on dirait que New York était blanc alors qu’en fait c’est une ville hyper cosmopolite. En fait ce genre de choses maintenant ne passerait plus et ne passe plus et c’est une bonne chose puisqu’on parle de diversité de la société. On est dans des sociétés qui sont extrêmement diverses. Du fait de l’histoire qu’on a eue et qui est très interconnectée puisque la colonisation nous a tous et toutes profondément connecté’es. Et voilà le monde qu’on a à l’heure actuelle, c’est la résultante de cette histoire-là. Et c’est pour ça qu’on a des sociétés aussi cosmopolites, notamment en Occident, et c’est important de justement écouter les différentes voix. Et tu parlais sur le communiqué de presse faux pas, d’échanger avec des personnes qui s’y connaissent bien, qui sont concernées et qui sont expertes de ces sujets. Bien entendu, c’est essentiel de les rémunérer. Je vais expliciter mais je pense que tu l’avais dans la tête, mais je pense que voilà on voit encore beaucoup d’histoires, notamment dans le luxe et la mode, ou des grandes maisons qui s’approprient les créations de créateur’ices racisé’es typiquement qu’iels ne rémunèrent pas du tout là-dessus. Donc on va bien expliciter c’est un travail, c’est une expertise qui a été développée, donc ça mérite une rémunération juste et équitable. Là-dessus, tu as parlé aussi d’appropriation culturelle, je fais un petit pas de côté. Est-ce que tu pourrais nous expliquer la différence entre appropriation culturelle et appréciation culturelle ? Déjà les définir parce que c’est encore des thèmes qui sont très confus pour les gens, pas qu’en France d’ailleurs, où effectivement on a beaucoup de retard. Même aux Etats-Unis ils ont encore beaucoup de mal à bien appréhender ce concept et je pense que ce serait bien de le réexpliciter dans un contexte français également.

Léa : Oui, avant de préciser, je vais juste repréciser pour les personnes qui ne me connaissent peut-être pas que moi, je suis d’apparence blanche, donc je ne suis pas particulièrement touchée par l’appropriation culturelle, dans le sens où je fais partie de la culture qu’on peut qualifier de dominante. Donc je m’exprime en fonction de ce que j’ai lu des personnes concernées. Du coup pour définir l’appropriation culturelle. L’appropriation culturelle, c’est quand une culture dominante fait passer pour sien des éléments culturels d’une culture dominée voilà pour le dire assez simplement. Je pense que l’élément qui est important dans cette définition, c’est vraiment qu’il doit y avoir une relation de culture dominante / culture dominée pour qu’il y ait appropriation culturelle. Par exemple on ne peut pas vraiment parler d’appropriation culturelle entre deux pays européens. C’est un peu étrange de parler d’appropriation culturelle dans ce cas-là, même si bon, je comprends qu’il y ait quelques éléments culturels qui peuvent être très spécifiques. Par exemple, on ne peut pas non plus, je donne souvent cet exemple, le fait qu’on vende des jeans au Sénégal, ça ne constitue pas une appropriation de la culture américaine, au contraire. D’ailleurs c’est plutôt une américanisation du globe, mais du coup, dans ce sens-là, il n’y a pas de relation dominant / dominé.

Laura : Pour reprendre ton exemple sur deux pays européens typiquement des Français qui ont appris à faire des pizzas et qui ouvrent une pizzeria, ce n’est pas une appropriation culturelle.

Léa : Moi, j’aurais tendance à dire que non peut-être que les Italiens, Italiennes qui m’écoutent diraient que oui, mais ça ne s’inscrit pas dans un racisme systémique. En fait, je ne sais pas si toi tu es d’accord avec cette définition d’ailleurs ?

Laura : Après moi pareil je suis blanche mais ça me paraît, de ce que j’ai lu, la définition la plus explicite et la plus facile à comprendre. Il y a bien cette explicitation du rapport de domination et qui fait effectivement une grosse différence de la même façon que, par exemple, les femmes noires qui se lissent les cheveux ce n’est pas de l’appropriation culturelle, c’est au contraire une traduction du racisme systémique qui fait comprendre que les cheveux qui ne sont pas lisses ne sont pas beaux et ne sont pas professionnels typiquement donc on n’a pas du tout la même dynamique. Alors par contre des femmes blanches qui se qui font des tresses typiquement africaines, ça c’est de l’appropriation culturelle et accessoirement nos cuirs chevelus ne sont pas du tout faits pour ça et donc elles peuvent se retrouver complètement descalpées, enfin genre en perte de cheveux donc ce n’est pas recommandé pour le cuir chevelu mais en plus c’est vraiment de l’appropriation culturelle. Je pense par exemple c’est les cornbreads je crois que c’est ça qui pour le coup c’est afro-américain et ça avait été développé par, si je ne dis pas de bêtises, par les femmes noires esclaves. Elles mettaient des graines de blé dans leurs cheveux justement pour avoir de la nourriture en plus. Et donc voilà ça en plus ça a été vraiment fait en réponse à l’oppression. Donc des femmes blanches, des personnes blanches qui portent ce genre de coiffure, c’est encore plus problématique.

Léa : D’ailleurs gros scandale d’appropriation culturelle autour des cornbreads puisque Kim Kardashian avait essayé de, encore elle, de déposer cette appellation et d’en faire commerce.

Laura : Bon exemple d’appropriation culturelle parce que Kim Kardashian est d’origine arménienne, donc n’est pas du tout noire, même si elle a essayé de s’approprier beaucoup de pans de la culture afro, donc soit afro-américaine ou africaine en général. Et donc ça, c’est effectivement un très gros souci. D’ailleurs maintenant qu’elle a changé de compagnon, étrangement, elle abandonne beaucoup de pans de justement de la culture africaine. Elle revient plus sur une culture blanche.

Léa : Même au niveau de son corps, j’ai vu une vidéo hier d’ailleurs. Elle a fait sien tous les attributs pour lesquelles les femmes racisées sont discriminées et elle les a glamourisés si on peut dire et aujourd’hui elle est plus avec Kany West, elle a abandonné.

Laura : C’est ça et je rajouterais peut-être sur l’idée d’appropriation culturelle. Ce qui joue aussi de ce que je comprends, c’est l’exemple Kim Kardashian qui me fait revenir ça en tête, c’est que lorsque les personnes de culture dominante font ce genre de choses, elles sont célébrées ou validées alors que les personnes dominées qui expriment leur culture vont être critiquées pour ça et donc typiquement l’appropriation de plein de choses dont les coiffures, dont un certain physique qui est, pour le coup, stéréotypé. Puisque oui, il y a des personnes, il y a des femmes noires qui ont ce type de physique, mais pas toutes. Il y a énormément de variété, de diversité de physiques chez les femmes noires et pour le coup, Kim Kardashian, elle a pris seulement les trucs très stéréotypés. Et elle a été célébrée pour ça. Typiquement l’image où elle a une bouteille de champagne sur son fessier en mode elle casse internet, elle s’en est servie pour commercialiser beaucoup de choses et à faire ce qu’on appelle du black fishing. Se faire passer pour noir’e ou du moins afro-descendant’e et d’en faire un commerce. Donc il y a ça aussi, Il y a le côté d’en tirer quelque chose de positif alors que les personnes concernées par cette culture elles, si elles l’expriment, elles vont être mal vu, on va leur reprocher.

La discrimination autour des cheveux texturés

Léa : Oui, tout à fait. D’ailleurs, sur la question des coiffures en France, c’est assez mal compris j’ai l’impression, mais aux États-Unis c’est quelque chose qui est encore plus flagrant. Là, on est en octobre 2022, il y a une loi qui est passée cet été, à l’été 2022 qui interdit officiellement la discrimination envers les coiffures afro aux États-Unis alors ça veut dire que jusqu’ici c’était légal de discriminer une personne sur le fait qu’elle porte des dreadlocks, une coiffure enfin les cheveux crépus au naturel etc. En France, il n’y a pas cette légalité à discriminer basée sur la nature des cheveux. Mais oui du coup les coiffures afro ont été jusqu’en 2022 aux États-Unis une source de discrimination et du coup le fait que des personnes blanches se les approprient avec la possibilité de s’en séparer du jour au lendemain sans être victime de discrimination par rapport à cette coiffure là, ça constitue une appropriation culturelle.

Laura : Après, on le retrouve encore beaucoup en France. Il y a beaucoup de témoignages, notamment de femmes noires qui ne peuvent pas porter leurs cheveux naturels et qu’elles ont déjà eu des problèmes par rapport à ça. Donc il y a un peu une sorte de vide juridique à ce niveau-là. Parce que la discrimination n’a pas le droit de faire de la discrimination sur l’origine ethnique. Mais sur la façon dont tu te coiffes, il y a encore beaucoup de gens qui considèrent que, les personnes blanches notamment, qui considèrent qu’avoir les cheveux naturels enfin frisés, crépus, ce n’est pas professionnel. Et donc ça pose un problème. Et j’ai une amie elle se tresse énormément les cheveux parce que ça donne une apparence. Elle n’aime pas les perruques, elle ne supporte pas, mais du coup, les tresses donnent une apparence plus lisse et elle a moins de remarques aussi en faisant ça. Bon, c’est aussi plus simple pour elle de se coiffer comme ça. Mais il y a aussi ça qui joue énormément et moi typiquement dans le milieu professionnel dans lequel j’étais avant, avant de quitter ma carrière, je crois que je n’ai jamais vu une femme noire. Déjà, j’en n’ai pas vu beaucoup dans ce milieu-là, accessoirement, dans l’avocature ce n’est pas très diversifié, surtout dans les grands cabinets. Et je crois que je n’ai jamais vu une femme noire avec ses cheveux au naturel. Il y a encore beaucoup de représentations, de discriminations. Moi quand j’ai arrêté de me lisser les cheveux, et pourtant j’ai les cheveux bouclés, donc on n’est pas sur un grand écart comme il y a entre les cheveux lisses et le les cheveux crépus. Mais j’ai vu des sourcils qui se sont levés en mode : “elle nous fait quoi là ?”. On voit encore le cheveu lisse est considéré comme une norme, alors qu’en fait toutes les natures de cheveux sont possibles. Et en France, il y a encore un peu une discrimination plus ou moins explicite selon les milieux, selon les secteurs d’activité qui ressort et on a encore beaucoup de progrès à faire là-dessus parce que pour le coup, je pense qu’il y a déjà plein de personnes qui ont perdu des opportunités professionnelles ou des promotions parce qu’elles avaient leurs cheveux naturels. Et ça, on a encore un long chemin à faire. Là-dessus et Google images aussi ! Pour donner l’exemple, si vous voulez aller voir, ça s’est un peu amélioré ces dernières années mais ça reste encore flagrant. Si vous tapez coiffure professionnelle et coiffure non professionnelle sur Google, donc de faire deux recherches, vous verrez que coiffure professionnelle c’est globalement que des cheveux lisses et coiffure non professionnelle, c’est quasiment que des cheveux crépus. Donc on a encore aussi, en termes de représentation, un long chemin à faire.

Conclusion de l’épisode

Il est essentiel que la communication et l’organisation interne de l’entreprise soient alignées. La communication apparait alors plus naturelle ce qui augmente son efficacité.

Nous avons commencé à aborder le sujet de l’appropriation culturelle en donnant notamment les exemples de Kim Kardashian. Je tiens à préciser que Kim Kardashian étant d’origine arménienne, elle est issue d’une culture minorisée. Toutefois, la qualification d’appropriation culturelle reste justifiée du fait de son statut qui lui permet de glamouriser les éléments physiques avec lesquels elle sera encensée et tirera des bénéfices financiers, alors que les concernées seront discriminées et marginalisées pour leur peau foncée, leurs coiffures ou encore certaines parties de leur corps.

Dans la seconde partie de notre échange, nous approfondissons le sujet de l’appropriation culturelle en la différenciant de l’appréciation culturelle.

Outro

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A très bientôt pour un nouvel épisode d’Inclusivement vôtre !