#13 Ce que les bonus disent de la culture d’entreprise

Inclusivement Vôtre – Côté fondateurices – Adélaïde Bouget

Pour écouter l’épisode 13

Parce que l’inclusion passe par l’accessibilité de tous nos contenus, notre podcast est retranscrit à l’écrit. Vous pouvez retrouver la transcription écrite de l’épisode ci-après.

Dans cette retranscription, vous allez lire des passages rédigés en écriture inclusive et d’autres non. Chez Projet Adelphité, nous utilisons quotidiennement l’écriture inclusive, c’est pourquoi les interventions de Laura sont rédigées de cette manière. Cependant nous souhaitons retranscrire avec fidélité la parole de l’invité’e. Nous avons donc fait le choix de ne pas appliquer l’écriture inclusive lors de ses interventions.

Bonne lecture.

Transcript Episode #13

Introduction

Bienvenue dans ce nouvel épisode d’Inclusivement Vôtre !

Inclusivement Vôtre, c’est le podcast qui envisage la culture d’entreprise comme un pilier stratégique du développement des organisations, avec un prisme diversité et inclusion.

Je m’appelle Laura Driancourt et je suis l’hôte de ce podcast créé et produit par Projet Adelphité, l’agence de conseil et stratégie en diversité et inclusion qui propose une approche multidimensionnelle pour mettre ce sujet au coeur de la performance des organisations.

Bonne écoute !

Présentation de l’épisode

L’une des rencontres qui m’a le plus appris et inspirée en 2022 est clairement celle d’Adélaïde Bouget, co-fondatrice de Koji.

Adélaïde a une vision et une connaissance très fines des problématiques de management et de culture d’entreprise.

Dans les trois épisodes à venir, elle nous transmet ses réflexions sur ces sujets. Cette première partie porte notamment sur les soft skills, les feedbacks et sur l’influence des moteurs des équipes fondatrices sur la culture d’une entreprise.

Contenu de l’épisode

Avoir du plaisir à venir au travail

Laura : Bonjour Adélaïde.

Adélaïde : Hello Laura

Laura : Ça va ?

Adélaïde : Ça va super et toi ?

Laura : Ça va bien aussi. Merci d’avoir accepté mon invitation. Je suis ravie de t’accueillir dans cet épisode d’Inclusivement Vôtre et de parler avec toi de cultures d’entreprises liées à la stratégie avec un prisme, diversité et inclusion.

Adélaïde : C’est parti !

Laura : Pour commencer je te propose que tu te présentes ainsi que ton entreprise.

Adélaïde : Je m’appelle Adélaïde Bouget. J’ai trente ans, je suis la directrice générale de Koji qui est une agence de tech. On développe des logiciels sur mesure à destination principalement des PME et des ETI, principalement sur des problématiques d’automatisation et de fiabilisation des processus. La boîte a trois ans et on est une trentaine de personnes.

Laura : On commence toujours les entretiens par quelques petites définitions. Je serais donc curieuse de connaître ta définition en quelques mots de la diversité et de l’inclusion.

Adélaïde : Pour moi, la diversité et l’inclusion, ça fait partie d’un triptyque qui est diversité, inclusion, équité. La diversité, c’est le fait de recruter des personnes représentatives de la population. L’inclusion, c’est le fait de faire en sorte que ces personnes puissent travailler dans les mêmes conditions que le groupe dominant et l’équité, c’est le fait de donner accès aux mêmes opportunités à tous les types de personnes que le groupe dominant.

Laura : Super claire et efficace. Pour continuer dans les définitions, comment tu définirais la culture d’entreprise ?

Adélaïde : La culture d’entreprise, ça peut être beaucoup de choses, je pense que c’est principalement la raison pour laquelle les gens viennent bosser dans cette entreprise spécifiquement. Aujourd’hui, il y a deux raisons pour lesquelles les gens vont bosser. C’est pour payer leur loyer. C’est globalement 99% de la population si ce n’est plus. Et la deuxième raison, c’est la culture de leur boîte. L’adéquation peut être plus ou moins forte, c’est pour ça que on a des vagues de démissions. Mais pour moi, la culture d’entreprise, c’est ce qui fait que les gens viennent bosser tous les jours dans cette boîte-là.

Laura : Je pense que ça commence à transparaître : comment pour toi, la culture d’entreprise s’articule avec la stratégie ?

Adélaïde : La stratégie d’entreprise se décline en plein de micro stratégies opérationnelles donc : stratégie commerciale, stratégie financière, stratégie marketing, etc. La culture d’entreprise, c’est un peu comme une stratégie commerciale. C’est un bloc d’éléments de la stratégie et ça doit être considéré comme une chose à pied d’égalité avec les stratégies opérationnelles traditionnelles.

Laura : On va parler un peu de Koji. Quels sont les mots-clés que tu utiliserais pour définir les valeurs de Koji ?

Adélaïde : Ce qu’il faut comprendre, c’est l’origine de ça. On a défini notre culture d’entreprise par rapport à un objectif stratégique qui était : avoir du plaisir à l’idée de venir au travail le matin, ce qui était un grand objectif stratégique. Il y a des gens qui disent je veux gagner dix millions d’euros. Nous, on a dit on veut avoir envie de venir au boulot le matin.

Laura : C’est déjà pas mal.

Adélaïde : Pour nous, c’est hyper important. Je pourrais revenir plus longuement sur pourquoi. On a eu des expériences assez désagréables, traumatiques de nos anciens boulots. Donc en fait, c’était vraiment une façon de se réconcilier avec le travail. Le postulat de base, l’objectif stratégique de base, c’était ça. Du coup, on a dit OK, c’est quoi une culture d’entreprise qui permet ça ? Si l’objectif stratégique c’était avoir du plaisir à l’idée de venir au boulot tous les matins, il fallait des clients et une stratégie commerciale par exemple, c’était bosser avec des clients qu’on aime bien. Il fallait le décliner pour la culture d’entreprise. Donc on a essayé de le diviser en éléments tangibles pour factualiser : c’est quoi la culture d’entreprise de Koji. Ça se divise en trois. Ça, on l’a fixé je pense après dix-huit mois d’existence de la boîte. C’était des recrutements et des parcours en interne qui soient soft skills first. C’est un peu contre intuitif dans le marché de la tech où on imagine des développeurs qui sont très orientés hard skills. En fait, on s’est rendu compte que les soft skills étaient primordiales pour que tout le monde ait envie de venir bosser le matin. Des gens qui soient réellement bienveillants, des gens qui savent bien communiquer, on a décliné toutes les soft skills très finement. Au-delà des softs skills après on a déterminé un deuxième pilier qui est caractérisé par le couple bienveillance-transparence. La bienveillance, c’est un mot qui est extrêmement galvaudé aujourd’hui parce que les marques employeurs s’en servent à tort et à travers. C’est pour ça que c’était important de le contextualiser avec la transparence et surtout on a fait le travail de le définir. Je crois qu’il y a 75 actions concrètes, bienveillantes qu’on attend d’une personne chez Koji et on l’a mis en face de la transparence parce que faire de la bienveillance de surface, c’est de la gentillesse. C’est pas vraiment de la bienveillance. Si la bienveillance, elle fait état de transparence donc c’est à dire si on ne fait pas l’effort de faire des feedbacks négatif aux gens quand ça ne va pas, ça ne marche pas dans un contexte professionnel. Je déconseille aux gens de le faire dans la vie personnelle aussi d’ailleurs, mais particulièrement dans un contexte professionnel. Ça ne fonctionne pas dans ce contexte-là. C’est vraiment un couple qu’on articule ensemble la bienveillance et la transparence parce que la bienveillance sans la transparence, c’est juste de la gentillesse. Le troisième pilier qui était pour nous ultra important, c’était liberté et responsabilité. Ce pilier là ce n’est pas nous qui l’avons inventé du tout. Il y a des gens très bien qui ont écrit des bouquins sur l’entreprise libérée. Néanmoins on n’a jamais été entreprise libérée, c’est à dire qu’on a repris le concept, mais on n’est pas pour autant entreprise libérée. Pourquoi ces deux choses-là vont ensemble ? Je pense qu’il y a des gens que ça doit faire un peu sourire, parce que ça rappelle le couple droits et devoirs que le président Macron nous a sorti en fin de mandat. Mais au delà de la blague, dans un contexte professionnel, une fois de plus, une liberté qui ne se termine pas par une responsabilité, c’est pas gérable, ça n’existe pas vraiment. Et ça, ça ne permet pas de créer une équipe qui soit fonctionnelle. Je vais donner un exemple concret par exemple une liberté chez nous, c’était le full remote. Le full remote ça implique tout le monde travaille là où il veut, alors avec de gros guillemets, parce qu’il y a des règles, notamment vis-à-vis de l’Urssaf. Dans l’idée, c’est un peu ça, où on veut, en tout cas sur le territoire national français. Ce truc-là implique un certain nombre de responsabilités. Déjà être transparent sur là on est, de savoir qu’on a besoin d’avoir un bon internet parce qu’on bosse dans la tech. Si les gens n’ont pas une bonne connexion internet, ils ne peuvent pas travailler. Faut être responsable, tu vas pas aller dans la maison de mamie et de papi où il y a l’ADSL. En fait c’est pas responsable. Je pourrais continuer la liste elle est très longue mais juste pour citer quelques exemples. Une autre responsabilité, c’est de veiller à ce que le travail en asynchrone se passe bien. C’est communiquer clairement sur quand je travaille, communiquer clairement si je travaille pas aux heures de bureau traditionnelles, qui est totalement ok mais par contre les gens ne peuvent pas le deviner. Donc si tu le dis pas, personne ne le sait. Je pense notamment aux parents chez nous souvent qui coupent de seize heures à vingt heures pour s’occuper de leurs enfants. C’est très chouette pour eux, je suis très heureuse qu’on leur permette ça. Par contre, il faut se mettre en out of office dans les agendas parce que si on propose des réunions sur les créneaux 16h-20h, ils diront jamais oui. C’est vraiment un couple qui est très détaillé dans la littérature sur l’organisation des entreprises et la théorie des organisations. Je ne reviendrai pas dessus, mais en tout cas c’était vraiment un couple hyper fondateur pour nous, ce couple là. Pour faire la synthèse : soft skills first, bienveillance-transparence et liberté, responsabilité, c’est vraiment les piliers des valeurs de la boîte.

Laura : C’est super intéressant et je pense à liberté-responsabilité. Au final, ça revient un peu à cette idée que ma liberté s’arrête là où commence celle des autres. C’est qu’on ne peut pas avoir une liberté qui est absolue, parce que sinon on empiète sur le fonctionnement de la communauté et de l’entreprise. Le travail, c’est aussi des communautés qui se forment. Donc on doit être responsable vis-à-vis des autres pour que chaque personne puisse jouir pleinement de son champ de liberté également.

Adélaïde : Je pense que c’est une question qui est quasiment philosophique et politique à ce niveau-là. Il y a des gens qui pensent que la liberté est quelque chose d’absolu. Moi je pense que ça peut l’être. Mais du coup, on n’appartient pas à un système, une liberté absolue dans un système établi dans une communauté de personnes en fait, ça n’existe pas. C’est mécaniquement impossible puisqu’il y a des règles sociales etc. Une liberté pourra jamais aller à l’encontre d’une règle sociale. Mais pour le coup, c’est un débat qu’on a depuis le dix-huitième siècle, donc on ne va pas refaire maintenant.

Laura : Non, c’est sûr. Mais c’est intéressant de voir comment on peut connecter tout ce qui est management, culture d’entreprise à des grandes pensées et raisonnements philosophiques. On parle de philosophie aussi dans le podcast, c’est chouette.

Adélaïde : On peut parler de plein de choses. Le management, c’est de la sociologie, de la philosophie, c’est beaucoup de choses.

Pourquoi on crée une entreprise

Laura : La psychologie enfin, il y a beaucoup de « ogie ». Plus généralement, j’aimerais avoir plus d’informations, plus de détails sur pourquoi ce triptyque-là et comment vous les avez choisis et construites ?

Adélaïde : C’est un pur effet d’expérience, c’était très empirique. En fait, quand on a commencé à recruter qu’on a été entre dix et quinze, on avait tout un système de feedbacks. On a juste gravé dans le marbre les choses qui faisait que les gens me disaient que ça marchait. C’était très empirique comme truc et c’était pas du tout intellectuel. C’est vraiment revenu de l’équipe et du coup on a décidé que c’était nos valeurs, puisque en fait c’est ce qui faisait que ce groupe de gens-là travaillait bien ensemble et que nous, on pensait que ce groupe de gens-là était représentatif de ce qu’on voulait créer puisque notre objectif n’était pas de faire plein de millions d’euros de chiffre d’affaires, c’était que les gens avaient plaisir à venir au bureau ensemble. C’était assez logique d’aller chercher auprès des équipes les raisons pour lesquelles ils aimaient bien venir au travail les matins.

Laura : Oui, ça a du sens au final. C’est intéressant de voir aussi que vous aviez un objectif principal qui était de créer une culture d’entreprise où les gens se sentent bien et sont heureux de venir au travail, qui, au final, n’est pas l’objectif de beaucoup de boîtes et je pense que ça se ressent dans leur culture d’entreprise. Ça s’est infusé assez naturellement au fur et à mesure. Je pense que c’est important de se poser la question de pourquoi on crée son entreprise quand on est entrepreneur ou entrepreneuse. On voit beaucoup de start-up qui se concentrent sur le product market fit et pas nécessairement sur le pourquoi. Pourquoi iels ont créé une entreprise, au-delà de pourquoi iels ont ce produit, mais pourquoi eux, dans leurs tripes, iels ont créé une structure, pourquoi iels ont ressenti ce besoin ? Parce qu’il y a une idée de besoin quand-même. La plupart des gens ne crée pas une boîte parce que parce qu’on a croisé quelqu’un qui a dit : “Tiens, lance une entreprise”. C’est parce qu’il y a quelque chose au fond de nous qui résonne.

Adélaïde : Je pense qu’aujourd’hui, le marché se divise. Sur les dernières années, j’ai croisé beaucoup d’entrepreneurs. Le marché se divise en deux, tu as des entrepreneurs qui le font comme une revanche sociale et pour gagner de l’argent alors qu’ils n’ont pas fait la bonne école, parce que c’est une motivation forte : le succès, surtout maintenant avec la hype des start-up. Après, tu as les entrepreneurs qui sont connectés avec leurs valeurs ou avec leurs parcours. C’est les deux grands types de motivation qu’on trouve chez les entrepreneurs aujourd’hui. Les entrepreneurs de catégorie une et de catégorie deux et ne sont pas dans les mêmes clubs d’entrepreneurs et ils n’ont pas les mêmes objectifs. J’en croise tu vois mais c’est pas souvent ceux avec lesquels j’ai des atomes crochus les plus forts, parce qu’on a des motivations qui sont très éloignées. En général, quand on parle de product market fit, c’est parce qu’on veut faire du cash. Un entrepreneur peut dire que : “Oui, pour moi l’important est de servir mon marché. ”. Quand on dit ça, on dit que l’important, c’est de faire de l’argent et c’est ok. Je n’ai pas de problème avec ça. C’est une motivation tout à fait honnête à entreprendre. Créer de la valeur, c’est pas négatif. Par contre, faut créer de la valeur, faut pas juste faire du cash sans créer de la valeur alors, ça c’est toxique.

Laura : En plus, on peut avoir des structures qui sont créées par des personnes qui sont à la recherche du succès, mais qui vont quand même réussir à créer des cultures d’entreprises qui soient saines et “bienveillantes”, comme on a dit, le terme est galvaudé. Ça peut être un plus gros challenge parce que ce n’est pas nécessairement leur drive principal. Mais ce n’est pas impossible de le faire, même si effectivement dans la seconde catégorie, ça va être beaucoup plus prégnant.

Adélaïde : Je me méfie quand même des entreprises qui sont très drivées par le succès commercial parce que ça implique des mécanismes, notamment managériaux, les bonus variables etc. Je me souviens du patron d’Octo qui a dit “Qu’une des plus grosses erreurs que j’ai faite, c’est de ne pas avoir repoussé les bonus variables le plus loin possible dans la vie de la boîte.”. Donc, si, la volonté de succès commercial, elle a quand même des impacts sur la culture qui sont très forts et je ne pense pas qu’on puisse vraiment totalement les contourner. On a beau créer la plus belle culture de boîte du monde, si on est dans une boîte de la win, du succès, il y aura des impondérables et des incontournables qui font que la culture pourra jamais être parfaitement saine, parce qu’il y a un système de compet’ qui se met en place. Je n’ai pas de problème avec la compète. Je fais beaucoup de sport dans ma vie, j’aime beaucoup la compétition. Mais, la compétition avec soi-même, c’est sain. La compétition dans les équipes, c’est jamais sain.

La productivité collective

Laura : Il y a des équilibres à trouver, mais effectivement il y a des impondérables qui vont apparaître et c’est de savoir quelles sont ses priorités. Il y a des gens qui s’épanouissent là-dedans. Personnellement, c’est pas trop mon truc. Effectivement, dès qu’on est sur du bonus individuel et donc il y a une productivité individuelle, on prend moins en compte les externalités négatives de certains comportements. Si la personne rapporte beaucoup de cash à l’entreprise mais qu’elle crée une mauvaise ambiance, on va potentiellement la garder parce qu’elle ramène plein d’argent, peu importe le fait qu’elle empêche d’autres collègues d’en gagner, d’en rapporter à l’entreprise.

Adélaïde : Je renvoie toujours à de Gilles Saget chez Lucas, c’est une sucess story incroyable. C’est un SI RH. La culture de la boîte est hyper intéressante, notamment parce que les commerciaux n’ont que des bonus de groupe. Et ça, c’est hyper intéressant parce qu’en fait, pour moi c’est hyper fort comme un engagement de la part de Gilles pour ses équipes et pour sa culture. Comme quoi c’est possible de faire beaucoup de chiffre d’affaires sans avoir des bonus individuels.

Laura : Ça crée une émulation collective plus saine puisqu’on cherche à se soutenir davantage pour que le groupe aille plus loin.

Adélaïde : Exactement. Alors peut-être que c’est vrai on va moins loin, moins vite peut-être et ça, ça reste à prouver. J’aimerais vraiment avoir des études quantitatives fiables sur le sujet qu’on n’a pas. Mais, c’est pas grave parce que du coup ça crée aussi des populations qui restent plus longtemps en poste, donc je pense que le bénéfice financier à la fin, il est réel.

Laura : Je pense qu’on peut faire un parallèle avec ces études qui montrent que statistiquement, les femmes sont moins prônes au risque que les hommes. Sur des périodes de court terme, les hommes font des croissances de chiffre d’affaires très importantes, plus importantes que lorsque les femmes sont dirigeantes. Par contre, si on regarde sur le long terme, les performances de boîtes gérées par des femmes sont bien plus importantes.

Adélaïde : Gilles a la population de sales qui est la plus féminine de la place.

Laura : Est ce que c’est surprenant ?

Adélaïde : Non. Ça me rassure en fait, parce que ça veut dire qu’on connaît le chemin, on sait comment y aller, on sait quelles sont les implications. On sait ce que ça veut dire d’un point de vue des équipes. Pour moi, ça veut dire que c’est juste un choix des dirigeants, c’est tout. Après les dirigeants ils font les choses qu’ils veulent.

Laura : Effectivement, ça donne de l’espoir en disant « en fait c’est possible et c’est une question de choix ». Mais on retrouve beaucoup la notion de choix sur plein de choses, quelque chose qui est dit aussi pour par exemple, on va parler de choses moins fun, des personnes qui sont agresseuses. Des agresseurs ont dit qu’ils ont effectué un choix à ce moment-là d’agresser. Les victimes sont souvent culpabilisées par notre société en général. Ça déculpabilise en disant « cette personne a fait ce choix et toi t’es pas responsable de ça ». Là, c’est un peu la même logique. Les dirigeant’es font des choix sur l’orientation qu’iels donnent à leurs structures. Nous, on a commencé à réfléchir à ça déjà dans l’équipe en disant est-ce qu’on veut faire du bonus individuel ? On n’était pas à l’aise avec ça et on a préféré se dire on fait du bonus par équipe et sur l’ensemble de la structure. Quand ça grandira, qu’il y aura différentes équipes et pas une personne qui représente un métier, l’idée est de mettre en place une démarche d’émulation collective, de célébrer les joies et les réussites de chaque équipe, parce que ça fait avancer l’entreprise plus loin.

Adélaïde : Je suis d’accord.

L’importance de la documentation

Laura : On va rentrer un peu plus dans le vif du sujet. J’aimerais bien en entendre davantage sur comment ces valeurs se traduisent au jour le jour dans la culture de Koji.

Adélaïde : Les implications sont énormes. En vrai, quand on fait des choix de culture aussi forts, les implications quotidiennes sont très fortes. Par exemple, sur les soft skills, on a choisi de faire une grille d’évaluation hyper guidée, ce qui est pas trop la norme. En vrai, c’est un peu la norme les entretiens guidés, mais c’est pas toutes les boîtes qui le font et surtout pas les petites boîtes, forcément. Nous, on l’a fait très tôt et ça, c’est un autre choix. Mais on a choisi d’internaliser nos recrutements, ce qui n’est pas le standard dans la tech. Aujourd’hui, les gens payent entre 10 et 15.000 euros par tête de développeurs à des cabinets de chasse. C’est très rare que les recrutements soient internalisés. Par exemple, la grille d’évaluations de soft skills, c’est un truc très concret. C’est Mathieu chez nous qui l’a monté à partir des soft skills cibles qu’on a déterminés comme prioritaires. On a mis en place des templates absolument obligatoires avec le deuxième pilier, dans les deux sens. C’est à dire qu’en milieu de période d’essai, chaque membre de l’équipe doit fournir un rapport d’étonnement où elle fait trois feedbacks négatifs sur la structure. C’est obligatoire. Ça peut être un petit truc, ça peut être des gros trucs et c’est à l’écrit parce que c’est trop émotionnel à l’oral, ça stresse les gens, mais à l’écrit, c’est tout à fait ok. Les gens ont le temps de peser leurs mots, de réfléchir à exactement ce qu’ils veulent dire. Le manager fait aussi des feedbacks positifs et négatifs de la première partie de période d’essai. Ce truc des feedbacks intervient tous les six mois. Du coup, c’est obligatoire et c’est attendu. Ça c’est pour le deuxième pilier, bienveillance, transparence. Après liberté, responsabilité, j’en ai déjà un peu parlé mais c’est des droits et des devoirs. On a parlé du sujet du full remote par exemple. Pour préciser un exemple sur le sujet du full remote, on fait partie des agences de tech qui ont le plus de documentation. C’est un peu un running gag de l’industrie, mais les projets de codes sont souvent pas documentés parce que les dev’ n’aiment pas faire de la doc. C’est la plus grosse arnaque de la planète. Chez nous, il y a beaucoup de doc parce que comme les gens bossent en asynchrone, il faut que les projets soient documentés parce que tu ne peux pas attendre que machin, machine, il soit là pour pouvoir lui demander comment il ou elle a fait sa feature. Un vrai projet chez nous, un gros projet de taille standard 100.000 euros par exemple, c’est 150 pages de documentation en anglais. C’est rare, c’est pas le standard de l’industrie du tout. C’est une source de plaintes dans les équipes mais passé la période d’essai, en général six mois, les gens ont compris l’intérêt donc en fait ils se mettent à faire de la doc eux-mêmes. On fait la doc en anglais parce qu’on a beaucoup une clientèle internationale. Du coup, ça peut être un peu désagréable au début de documenter en anglais quand on n’a pas l’habitude. À côté de ça, ça permet aux gens de développer leurs skills en anglais, donc c’est hyper positif. Du coup, la documentation n’est pas facultative contrairement à, je pense, 80% des agences de tech que je connais. Désolé les copains, mais en fait ça craint de ne pas documenter les projets.

Laura : J’ai eu l’occasion de piloter le développement d’une nouvelle version d’une application quand j’étais avocate. Oui, on est avocat’e et parfois on se retrouve à faire du dev’. C’est normal. Il y a des choses bizarres qui se passent dans ce secteur. La doc effectivement, c’est important. Quand on fait de l’audit, j’ai développé en code l’analyse statistique en Python et je suis très contente quand je reprends mon code et qu’il est bien documenté et qu’en une demi-heure, je comprends tout ce que j’ai fait alors que si je n’avais pas documenté j’aurais passé une demi-journée dessus. Au final, j’ai passé une V2 et j’ai mis une demi-journée à la coder et après avec l’aide d’un ami qui est dev’ professionnel, on a passé une demi-journée à corriger, à débugger. En une journée on avait V2 alors ce n’est pas le code plus sophistiqué du monde mais ça reste de l’analyse de données donc il faut quand même faire attention.

Adélaïde : Le bon code, c’est le code qui marche et qui est documenté.

Laura : Lui-même m’a dit le fait qu’il y ait la documentation, ça a quand même beaucoup simplifié les choses. La doc c’est la vie.

Adélaïde : Nous, c’est dans le couple liberté-responsabilité, la documentation. C’est aussi important que de dire que je bosse pas de seize heures à vingt heures.

Laura : C’est une habitude aussi.

Conclusion de l’épisode

Les moteurs des équipes fondatrices sont fondamentaux dans le développement de la culture d’entreprise. Lorsqu’on crée une entreprise pour sortir d’un environnement de travail toxique, cela donne souvent une culture d’entreprise tournée vers la bienveillance. En ce sens, j’ai adoré toute la réflexion d’Adélaïde autour de l’importance de lier la bienveillance à la transparence. Créer un tel espace ne veut pas dire confort absolu. Au contraire, un espace de sécurité psychologique vient de la possibilité de partager ses inquiétudes, ses erreurs et de s’améliorer ensuite. Cela implique de l’inconfort et de la transparence.

Dans la deuxième partie de notre échange, nous voyons comment entretenir ces bonnes pratiques pour une culture d’entreprise inclusive.

Outro

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A très bientôt pour un nouvel épisode d’Inclusivement vôtre !