#21 Intégrer la D&I dans le management et le recrutement

Inclusivement Vôtre – Côté Salarié’e – Val Leroy

Pour écouter l’épisode 21

Parce que l’inclusion passe par l’accessibilité de tous nos contenus, notre podcast est retranscrit à l’écrit. Vous pouvez retrouver la transcription écrite de l’épisode ci-après.

Dans cette retranscription, vous allez lire des passages rédigés en écriture inclusive et d’autres non. Chez Projet Adelphité, nous utilisons quotidiennement l’écriture inclusive, c’est pourquoi les interventions de Laura sont rédigées de cette manière. Cependant nous souhaitons retranscrire avec fidélité la parole de l’invité’e. Nous avons donc fait le choix de ne pas appliquer l’écriture inclusive lors de ses interventions.

Bonne lecture.

Transcript Episode #21

Introduction

Bienvenue dans ce nouvel épisode d’Inclusivement Vôtre !

Inclusivement Vôtre, c’est le podcast qui envisage la culture d’entreprise comme un pilier stratégique du développement des organisations, avec un prisme diversité et inclusion.

Je m’appelle Laura Driancourt et je suis l’hôte de ce podcast créé et produit par Projet Adelphité, l’agence de conseil et stratégie en diversité et inclusion qui propose une approche multidimensionnelle pour mettre ce sujet au coeur de la performance des organisations.

Bonne écoute !

Présentation de l’épisode

Ceci est la 3ème partie de notre échange avec Val Leroy, rédactrice blog chez Décathlon. Dans les deux premières parties, nous avons discuté de l’utilisation de la marque pour créer un impact positif et du rôle des entreprises dans le développement de l’inclusion.

Nous clôturons notre échange avec une discussion très riche autour du rôle du management dans une culture d’entreprise qui soit véritablement inclusive. Cela nous permet d’aborder la nature des cultures d’entreprises vis-à-vis des équipes, des bonnes pratiques de recrutement, de l’éducation à la diversité et l’inclusion, du bien-être des équipes. Bonne écoute !

Contenu de l’épisode

S’intéresser sincèrement au bien-être de ses équipes

Laura : Pour approfondir ce que tu disais sur tous ces sujets, quelles sont les pratiques managériales que tu aimerais voir disparaître ? Dans une société idéale, qu’est-ce qu’il n’y aurait plus comme pratique managériale ?

Val : Je pense que dans les pratiques managériales qui devraient disparaître, c’est le fait de valoriser l’employé modèle, le côté tu performes, tu l’ouvres beaucoup plus que les autres et du coup on n’entend que toi et donc ça veut dire forcément que ce que tu dis est légitime quand on n’est pas concerné par une discrimination bien entendu. Parce que si tu es concerné par une discrimination et que tu l’ouvres, attention ! Je pense que la non-information et l’absence de culture diversité des managers, pour moi c’est une pratique managériale. On pense que c’est passif parce que c’est de la culture, c’est comme ça, tu vois, c’est un peu imaginaire. Mais pour moi c’est une pratique managériale le fait de refuser de s’informer sur ces sujets-là, c’est une pratique managériale qui devrait disparaître. Ce n’est pas optionnel de se renseigner sur ces sujets-là parce que tu seras forcément confronté à quelqu’un qui va être sujet à discrimination et si tu manques d’information en tant que manager à ce sujet-là il y a moyen que tu aggraves la situation de cette personne et que ton turn-over augmente, que potentiellement ta responsabilité pénale puisse être engagée. C’est ton devoir envers toi-même et envers les autres que de t’informer sur ces sujets-là. Et encore aujourd’hui c’est vu comme un bonus. Je me suis éduquée mais en fait ce n’est pas un bonus, c’est juste normal. Il n’y a pas à se jeter des fleurs si tu t’es renseigné sur ce sujet-là, on ne devrait pas.

Laura : Surtout que le management ça s’apprend. On ne nous l’apprend pas, même dans des écoles de management, on n’apprend pas ce que c’est et on n’apprend pas l’écoute active. On n’apprend pas à se remettre en question, à faire et à recevoir des feedbacks. Dans beaucoup de structures, c’est très descendant. C’est lae manageureuse qui fait les feedbacks, c’est lae managereuse qui dit quoi faire et jamais lae managereuse qui demande à ses équipes de lui faire des retours pour progresser aussi dans son management et forcément ça implique de prendre en compte tout ce qui est diversité, inclusion, de savoir que typiquement les femmes noires, elles sont plus sujettes à burn-out et de savoir elles sont plus sujettes à burn-out et ça permet d’ouvrir aussi une conversation plus générale sur le burn-out, comment on fait pour le prévenir etc. Et comment on prend soin les uns, les unes des autres.

Val : Je trouve qu’on est vachement dans l’enseignement du management spectacle. Tu sais ce côté “Ouais on va faire des séminaires avec 15 000 activités. On va faire des icebreakers.” mais en fait avant de faire ça peut-être qu’on devrait se poser la question de comment est-ce que je fais pour que mes équipes se sentent bien dans l’équipe ? Comment est-ce que j’active tous les leviers pour que toute personne qui rejoint mon équipe puisse se sentir dans un espace propice au bien-être et à la performance. Voilà peut-être avant de se lancer une balle en demandant “Et aujourd’hui c’est quoi ta météo du jour” peut-être qu’on devrait un peu repenser nos pratiques de base. Non, il faut d’abord faire du spectacle.

Laura : Quelles sont les pratiques managériales que tu aimerais voir davantage pour approfondir ce que tu étais en train de dire ?

Val : Je pense que sans tomber dans le cliché de la surprotection de tes équipes, je pense que s’intéresser sincèrement au bien-être de ses équipes, c’est quelque chose qui devrait être davantage mis en valeur sans devenir copain-copain. Il y a des personnes qui ne veulent pas devenir copain-copain avec l’équipe, qui veulent vraiment faire une scission entre la vie pro et la vie perso et je comprends totalement parce que on ne sait jamais ce qui peut se passer. Parfois ça peut mal tourner, il y a mille raisons qui font que chacun fait comme il veut dans ses relations pros et ses relations persos. Mais le fait de s’intéresser sincèrement “Est-ce que ton poste tel qu’il est actuellement te convient ? Il y a des choses qui te dérange ? Est-ce qu’il y a des choses qu’on peut améliorer. De quoi tu as besoin pour se sentir bien dans ce poste-là ? Et est-ce que plus globalement dans l’entreprise, tu as des feedbacks à faire pour que l’entreprise convienne à tout le monde, te convienne mieux à toi aussi ?”, il n’y a pas d’égoïsme dans le fait de dire “moi, ça ne me convient pas”. Parce qu’on parle mille fois de x sujets mais ce sujet-là c’est un redflag pour moi en tant que personne handicapée, ou en tant que personne racisée, ou en tant que femme, ou en tant que minorité de genre, tous les feedbacks sont bons à prendre dans les deux sens. On ne le fait pas constamment en entreprise. Pourquoi est-ce que ce n’est pas un automatisme que de pouvoir faire des feedbacks anonymes ou non sur l’entreprise ou sur ta hiérarchie et ça c’est un truc qui est encore, je trouve, pas assez développé en entreprise. Je ne comprends pas le fait qu’on ne se dise pas “Il y a quelque chose de bon à prendre dans les feedbacks de mon équipe.”.

Les biais dans le recrutement

Laura : Plus largement, quels sont les axes d’amélioration que tu verrais en termes de diversité et d’inclusion ?

Val : Je pense que c’est vraiment au niveau du recrutement. Parce qu’on attend encore trop des personnes concernées par des discriminations que subitement elles postulent. Ça n’efface pas les biais des recruteurs parce que quand tu mets un CV anonymisé sous le nez du recruteur et quand tu mets le même CV non anonymisé sous le nez du recruteur, ça active des biais. Tu peux penser que toi tu es complètement déconstruit, que tu as questionné tout ce qu’il fallait questionner, si t’es pas concerné par certaines discriminations, il y a de grandes chances pour que tes biais ça re-pop en voyant un certain CV. Et je pense que la plupart des entreprises devraient systématiser le CV anonyme ou en tout cas je pense qu’on ne devrait pas avoir un recruteur en entreprise. Il devrait y avoir un panel avec au moins une personne concernée par une discrimination dans le panel de recruteurs histoire de pouvoir dire “Toi tu as des biais, toi tu as des réticences parce que le CV d’une personne qui a un handicap” par exemple et tu te dis que “Oh la la ça va freiner l’entreprise” moi je te dis que c’est faux. C’est aussi son devoir en tant que représentant de l’entreprise qui s’inscrit dans une société de tout faire pour que toutes personnes puissent s’intégrer correctement dans l’entreprise et puissent utiliser ses compétences au mieux. La performance, l’idée que ça puisse ralentir l’entreprise ne devrait pas être le premier critère de recrutement. Mais ça, on est hyper loin parce que on va toujours se dire “Oui, mais l’entreprise, c’est quand même une structure à but lucratif. Si ça ralentit, on fait moins d’argent.”. Pour moi, une entreprise a avant tout un devoir social et sociétal, mais ce n’est pas la vision de tout le monde. Tu vois c’est encore un truc touchy “Faut pas dire ça.”.

Laura : C’est ça. La question des biais est essentielle. Alors pour le coup chez Projet Adelphité, on ne recommande pas nécessairement le CV anonyme parce qu’on a remarqué que ça ne faisait que décaler le moment des biais lors de l’entretien typiquement. Parce qu’on sait que lorsqu’on n’a pas de représentation existante, c’est à dire le CV est anonyme par exemple, on va avoir tendance à imaginer un certain profil. Souvent c’est un homme blanc. En tout cas a minima c’est une personne blanche et donc on peut avoir des cas de mouvement de surprise en rencontrant un ou une candidat’e qui ne correspond pas à l’image qu’on s’était faite.

Val : Quand je parle de CV anonyme, ça suppose aussi que tout est fait à côté pour parler des biais inconscients. Comment les travailler. Je ne dis pas que le CV anonyme est la solution miracle en entreprise, ça ne va pas effacer tes biais. Effectivement ça décale tes biais, ça te donne juste un peu de temps aussi pour te questionner sur tes pratiques, justement cet effet de surprise, ça doit être un redflag en entreprise. Pourquoi est-ce que tu es surpris que ce soit une femme noire qui se présente à toi ? Quand dans ta tête tu as imaginé que ce CV-là, parce que surqualifié, était forcément un homme blanc d’une cinquantaine d’années typiquement valide cis, si tu te dis ça c’est qu’il y a un problème. C’est que, soit dans ton entreprise il n’y a pas assez de représentation d’autres salariés, soit dans la société plus en général tu es encore sujet à beaucoup de biais inconscients, conscients enfin peu importe, mais dans tous les cas il faut le questionner.

Laura : Entièrement d’accord. On va reparler plus de toi. Si tu avais un conseil à te donner en début de carrière, qu’est-ce que ce serait ?

Val : Ne te sous-vends pas. On est dans une société où pour payer tes factures, il faut que tu gagnes de l’argent. Dans mon début de carrière, je me suis trop sous-vendue en disant mais si tu acceptais le truc ça va donner de la visibilité, mais on ne paie pas son loyer en visibilité, on ne mange pas de la visibilité. C’est un truc que je répète aussi beaucoup à mes élèves parce que j’enseigne aussi à côté. Tu es tenté d’accepter ce contrat-là qui est sous-payé voire pas payé parce que tu as envie d’avoir un pied sur le marché du travail. Ce n’est pas la bonne pratique. Là c’est vraiment dans le cadre du journalisme, j’ai du mal à me projeter dans d’autres solutions pour le monde du travail en entreprise mais typiquement en journalisme généralement ce que je vais leur dire c’est “Il vaut mieux trouver un taf alimentaire et choisir d’être pigistes et de bosser sur des sujets qui sont bien payés et moins écrire plutôt que d’accepter une ribambelle de sujets mal voire pas payés parce que ces structures-là, ces rédactions-là ne vont pas subitement choisir de payer correctement. Tu vas user de ton temps et de ton énergie pour au final ne jamais avoir un salaire qui permette de vivre que du journalisme.”. Au début, c’est ce que je faisais. J’acceptais plein de sujets, plein de trucs, mais au final, c’était l’enfer, parce que je ne pouvais pas en vivre. Au bout d’un moment, j’ai fait “ok je vais me trouver un job” qui au début était alimentaire et au final, est devenu une passion. J’aime beaucoup la communication, par contre, je ne bossais pas en communication sur des sujets sur lesquels j’ai bossé en rédaction parce que ce n’est pas déontologique. Mais du coup, ce qui faisait que j’avais un salaire fixe et donc beaucoup moins de charge mentale financière et à côté, je pouvais choisir de refuser des sujets, des papiers qui n’étaient pas bien payés ou mal payés ou pas payés. Et à côté, je me suis construit un réseau de rédactions qui me payent bien, qui me payent régulièrement en temps et en heure.

Laura : C’est important aussi.

Val : Ce qui fait qu’aujourd’hui je pourrais vivre uniquement du journalisme, ce qui est maintenant le cas en tout cas, je vis entièrement de la rédaction puisque chez Decat’ je suis en rédaction mais je pourrais uniquement vivre de la pige, mais j’ai choisi de ne pas le faire parce que déjà j’aime bien l’idée de gagner de l’argent. Mais pas que pour moi, mais parce que je me dis que j’ai la possibilité de gagner plus d’argent que la moyenne et donc la possibilité de provoquer le ruissellement que le gouvernement ne fait pas, ça me fait du bien. C’est très égoïste aussi parce que ça me fait du bien aussi de voir passer une cagnotte d’une personne qui a du mal à joindre les deux bouts et de me dire là, je peux avoir un levier d’action je peux verser une partie de mon salaire en fait à cette personne qui ne peut pas travailler pour X ou Y raison et a besoin de ce ruissellement que l’Etat ne provoque pas et du coup je me dis que c’est une action citoyenne aussi de se dire je gagne plus que ce dont j’ai besoin et mon devoir c’est pas d’aller claquer ce surplus d’argent dans des choses dont je n’ai pas besoin, c’est plutôt de le reverser à des personnes qui ont bien plus besoin que moi.

Laura : S’il y a des gens qui ont beaucoup d’argent qui pouvaient t’entendre et t’écouter, je pense que ça ferait beaucoup de bien. Monsieur Bernard Arnault si un jour vous nous écoutez.

Val : Encore une fois, c’est super égoïste parce que moi, ça me fait du bien d’aider.

Laura : Mais il y a des études qui montrent que de donner de l’argent, ça fait du bien.

Val : Il y a un levier purement égoïste à ça et j’en suis super consciente. C’est pour ça aussi que j’aime bien donner à des personnes que je ne connais pas. Je donne aussi à des personnes que je connais mais j’ai besoin d’être consciente de ce biais-là qui est : tu as de l’argent et donc l’air de rien dans cette société, t’as une prise sur les personnes à qui tu donnes de l’argent. Je ne suis pas assez renseignée sur le sujet pour en parler plus sociologiquement parlant. Mais j’ai besoin d’avoir ça en tête et de me dire il faut que je fasse gaffe à ça. Parce que je ne veux pas que la personne se sente redevable.

Laura : Le principe du don, c’est qu’il n’y a rien en contrepartie.

Val : C’est ça et je ne peux pas effacer le fait que moi ça me fait du bien de faire ça, mais en revanche, ce que je peux faire c’est avoir une prise pour effacer l’emprise que ça peut provoquer. Je ne veux pas avoir cette emprise-là. Je ne suis pas ton boss, je suis personne en fait. C’est pour ça que j’aime bien les cagnottes anonymes. J’aime bien, je clique sur le petit bouton anonyme, quand je fais un don parce que je ne veux pas que cette personne après vienne me dire “Qu’est-ce que je peux faire en retour ?”. Non rien. En fait, rien !

Laura : Juste prends l’argent !

Val : Prends l’argent, fais ce que tu veux avec, je ne veux pas savoir. Juste fait ce que tu veux.

Laura : on n’est pas sur “rends l’argent” ici, on est sur “prends l’argent”.

Val : Et ça, je trouve ça bien. Je ne veux pas que cette personne se dise “Mais en fait si je m’achète un truc qui me fait plaisir en fait et qui n’est pas vital.”. Je le sais parce que quand je donnais à des personnes que je connais plusieurs fois on me dit “Promis je l’utiliserai pour ma psy, pour manger et tout.”. Et je suis là “Mais je m’en fous, si tu veux acheter un écran plat, fais-le, si ça te fait du bien. ” Je sais ce que c’est la précarité, je l’ai connue et je sais que si j’avais pu à un moment m’acheter un écran plat, je l’aurais fait. Parce qu’à un moment tu as tellement de charges sur les épaules que te faire un cadeau à toi-même, c’est un truc de ouf et ça fait du bien. Ça fait partie du bien-être mental, si tu préfères acheter un écran plat plutôt que d’aller à ta séance de psy.

Laura : Je ne suis pas sûre qu’une seule séance de psy suffise à payer un écran plat, mais on s’entend.

Val : Il y a des personnes autour de moi qui ont besoin de psy spécialisés qui font des dépassements d’honoraires qui sont scandaleux. Vraiment j’ai entendu des prix. Alors, je sais que la santé mentale, ça coûte cher et ça ne devrait pas d’ailleurs mais il y a des limites quand même.

Laura : Oui, c’est un grand sujet ça. On a parlé un peu du passé, on a parlé du présent, on va parler du futur. Où est-ce que tu te vois dans six mois ?

Val : J’espère toujours chez Decat’.

Laura : On te le souhaite.

Val : J’espère que j’aurais validé ma période d’essai. Je vois bien au même endroit que là maintenant parce que je me sens vraiment bien. Il y a quelques années, j’étais encore dans la projection, dans le ” toujours pas assez, il faut que je performe plus. Il faut que je fasse plus si plus ça et tout”. Là aujourd’hui je me sens bien. J’ai un rythme de vie qui me convient. Toujours à cent à l’heure mais bon, c’est aussi l’hyperactivité. Mais j’aime bien l’idée d’avoir ma vie en entreprise et ma vie en rédac’. Et pouvoir parler de sujets qui m’intéressent vraiment, de pouvoir choisir d’écrire ou non sur tel ou tel sujet. D’avoir des projets qui motivent et d’avoir constamment de nouveaux projets qui m’animent et dans six mois, j’ai envie que ce soit toujours comme ça et que j’ai vraiment pérennisé et solidifié cette base-là, parce que là ça fait qu’un an que c’est comme ça. Mais je veux que dans six mois ce soit vraiment pérennisé.

Faire évoluer la culture d’entreprise avec la diversité et l’inclusion

Laura : On te le souhaite. On va parler des challenges qui attendent les entreprises. Pour toi, quel est le plus gros challenge dans le développement d’une culture d’entreprise qui soit saine et inclusive ?

Val : Je pense que c’est toute la phase d’éducation autour du sujet. En vrai, c’est ça qui est compliqué parce que ça prend du temps parce qu’on ne comprend pas toujours tout et c’est normal. Enfin, personne n’a la science infuse et personne n’est capable d’appréhender, dans le sens de comprendre, toutes les discriminations. Je pense que ce qui est challengeant, c’est de trouver la bonne équipe qui soit capable de constituer et de théoriser une culture d’entreprise qui convienne à tout le monde. Et ça suppose que tu aies toutes les représentations ou quasiment dans cette équipe et toutes les entreprises ne l’ont pas. Parce que justement généralement quand on se dit diversité et inclusion, tu te rends compte qu’en fait une majorité de personnes sont cis blanches hétéros dans ton entreprise. Et donc pour constituer un groupe de travail sur cette question-là c’est galère. En même temps c’est super compliqué aussi de remettre ça uniquement aux mains des personnes concernées parce qu’encore une fois ça va être elles qui vont faire le taf. Il faut vraiment savoir doser. Déjà il faut que les personnes qui travaillent dans ce groupe de travail soit volontaires et que tu ne leur dises pas “Ce serait bien que tu sois la caution X ou Y de l’entreprise et que tu fasses ton taf sur ces questions-là.”. Je trouve ça important que ce soit des personnes volontaires, que ce soit des personnes qui soient engagées sur ces questions-là pour pouvoir vraiment avoir un socle solide pour pouvoir ensuite avancer et engager davantage de personnes et pour augmenter la représentation de la société dans ton entreprise. Je pense que c’est ça le plus dur, c’est la phase de travail sur soi, sur ses biais inconscients ou conscients, sur les failles de l’entreprise, les axes d’amélioration, tout le travail en amont en fait, avant de dire “notre culture d’entreprise, c’est ça”. C’est tout le travail fait en amont qui est colossal mais qui est tellement nécessaire pour avoir un truc durable et vraiment pérenne.

Laura : C’est super intéressant parce que sur le plus gros challenge j’ai deux questions, j’ai la question sur la culture d’entreprise et j’ai la question sur quel est le plus gros challenge qui attend les entreprises lorsqu’il s’agit de diversité et d’inclusion et donc t’as vraiment réuni les deux. Je trouve ça super cool parce que je fais exprès d’avoir cette question séparée pour voir comment les gens vont y répondre. Et du coup t’as vraiment fusionné les deux, c’est la meilleure réponse qu’on puisse avoir de fusionner les deux de façon profonde. Parce qu’on ne peut pas faire évoluer la culture d’entreprise si on ne travaille pas sur les questions de diversité et inclusion.

Val : Je ne comprends pas qu’on puisse encore les dissocier aujourd’hui.

Laura : Oui complètement. Pour conclure, une idée reçue sur la culture d’entreprise ?

Val : La plus grosse idée reçue sur la culture d’entreprise, c’est le fait que c’est aux salariés de s’adapter à cette culture et que c’est une relation à sens unique, on en parlait au début. Mais quand tu parles de culture d’entreprise, généralement dans ton parcours de recrutement ou d’intégration, on te dit ça, c’est la culture d’entreprise, tu l’acceptes ou tu ne l’acceptes pas, mais si tu ne l’acceptes pas, il y a de grandes chances pour que tu sois mal intégré et que du coup tu ne valides pas ta période d’essai ou que ça se passe mal à terme. Je pense que la culture d’entreprise, pour qu’elle soit inclusive en tout cas et efficace, il faut qu’elle soit malléable et que tu puisses l’adapter aussi aux personnes qui rejoignent ton entreprise. Si on te dit la culture d’entreprise c’est le dynamisme et que tu es plutôt introverti, c’est aussi à cette culture d’entreprise de s’adapter à toi. C’est à tes collègues, à tes supérieurs hiérarchiques d’accepter que tu n’as pas la jauge sociale identique au reste de l’entreprise. En plus ce genre de mentalité, ça amène souvent au burn-out. Ensuite, tu prives ton entreprise d’un volet diversité sûr et certain. Parce que là je prenais l’exemple du dynamisme. Mais s’il faut absolument adhérer à cette culture d’entreprise-là, il y a forcément des personnes en situation de handicap qui ne pourront pas y adhérer et du coup tu les discrimines. Il y a plein de raisons qui font qu’une culture d’entreprise c’est à double sens, c’est à la culture d’entreprise de s’adapter aux spécificités de chacun et c’est à chacun dans le parcours d’intégration et de recrutement de déterminer si oui ou non cette culture d’entreprise et ses valeurs te conviennent. S’il y a des choses qui sont rédhibitoires pour toi, ça ne sert à rien de demander à cette culture d’entreprise là de s’adapter à toi. Tu ne peux pas changer toute une structure. Tu peux faire de l’entrisme si tu veux, mais ça va te coûter énormément en énergie morale et physique. Donc si ça te convient à 0%, ça ne matchera pas, ça prendra une génération qu’une telle entreprise change. En revanche, si tu sens qu’il y a certains trucs dans la culture d’entreprise qui ne peuvent pas s’adapter à ta façon d’être, à tes handicaps, à tes spécificités ça ne veut pas dire que ce n’est pas à l’entreprise aussi de s’adapter à ça. Je pense que la culture d’entreprise doit être malléable.

Laura : Une idée reçue sur la diversité et l’inclusion ?

Val : Que c’est un caprice. C’est le truc qui revient à chaque fois “C’est chiant ces gens qui veulent des droits mais pour quoi faire ? Ils en ont déjà plein, on les laisse respirer c’est déjà pas mal.”. Mais c’est vraiment ça en fait que c’est un truc de personnes concernées uniquement parce qu’en entreprise encore la charge qui n’est pas rémunérée généralement quand tu travailles sur ces sujets-là, c’est en plus de ton poste initial mais pas en salaire en plus. On demande souvent aux personnes concernées de le faire. C’est important, c’est vrai qu’il y ait de la représentativité dans la mise en action en tout cas de la diversité dans l’entreprise. Pour des questions de légitimité aussi. Mais ça ne veut pas dire que c’est obligatoire. Ça veut dire que soit tu rémunères, ce qui devrait être normal, c’est du temps en plus que tu alloues à une mission qui n’est pas sur ta fiche de poste, ça doit être rémunéré, point barre. À côté de ça, je pense qu’il y a un rôle d’allié nécessaire aussi. Et particulièrement en entreprise, où ces sujets-là ne sont pas entendus. Tu passes vite pour le ou la relou de service, hystérique au mieux. Et je pense que l’allié a un rôle capital en entreprise de toi aussi tu dois dépenser ton énergie pour légitimiser le travail fait par les personnes concernées pour le bien-être en entreprise. Je pense vraiment ce n’est pas un caprice. Je l’ai entendu de la part de personnes proches de moi le côté ” c’est chiant, pourquoi vous travaillez dessus ? Ils ou elles ont qu’à s’intégrer d’elles-mêmes.”. Ce n’est pas aux personnes concernées de s’intégrer. C’est à la structure de faire en sorte que le volet diversité et inclusion soit capital dans le recrutement, dans le parcours d’intégration, dans le rayonnement de l’entreprise, dans les relations au sein des salariés de l’entreprise, c’est capital pour la durabilité de l’entreprise et que ce soit sur tous les plans, sur le plan bien-être au travail, sur le plan de prévention contre le burn-out ou le bore-out parce qu’il y a aussi la placardisation de certaines personnes dans l’entreprise, sur le plan de la performance, sur tous les plans. C’est un rayonnement sur tous les plans et à partir du moment où tu travailles sur ces sujets-là, tu te rends compte que c’est capital. Genre vraiment, c’est un point pivot dans la durabilité de ton entreprise.

Laura : Complètement. Et pour finir, quelle phrase ou expression tu ne veux plus entendre ?

Val : Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. Ça dépend, ensemble avec qui ? Enfin moi je ne vais pas plus loin avec un Jean-Michel Relou qui tient des propos transphobes, racistes. Très sincèrement avec ce genre de personne, seule je vais plus vite et plus loin. e pense que c’est vraiment le seul on va plus vite si les conditions sont réunies. Ensemble, on va plus loin si on est bien entouré. Il y a des si qui sont souvent oubliés en entreprise et du coup qui justifient le fait que tu dois rester dans cette équipe là on dit : “Seul tu vas plus vite mais ensemble on ira plus loin.” donc ça veut dire que tu dois faire l’effort de communiquer avec telle personne, même si cette personne est chiante à mourir. Non je n’ai pas envie de côtoyer des personnes qui vont bouffer mon énergie et ma santé mentale sans raison. Promis vraiment tu iras beaucoup plus lentement et on n’ira pas loin ensemble. On n’est pas ensemble, non.

Laura : OK super, c’était ma dernière question. Je crois qu’on a fait pas mal le tour. Comment tu te sens après tout ça, après cette conversation ?

Val : Bien, j’aurai toujours autant envie de changer l’entreprise, mais tant mieux. Je pense que c’est tant mieux. J’ai un rapport beaucoup plus apaisé avec ça. J’ai envie de changer les choses et j’ai envie de donner de ma personne et ça me coûte beaucoup moins d’énergie morale et mentale maintenant de faire ce genre de choses. Encore une fois ça me fait du bien. C’est des sujets avec lesquels je suis très à l’aise et je suis très en paix donc je me sens bien.

Laura : Trop cool, écoute, ça a été un plaisir vraiment de faire cet épisode avec toi.

Val : Merci.

Laura : J’ai hâte qu’il sorte et j’espère que les auditeur’ices apprécieront également tout notre échange qui a été, je crois, très riche. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites et j’espère que ça plaira et ensuite que les gens continueront d’écouter pour les prochains épisodes. Au revoir tout le monde.

Val : Au revoir.

Conclusion de l’épisode

J’ai toujours beaucoup apprécié Decathlon, notamment via leur Community Manager sur Twitter que je trouve très inclusif. Plonger dans les coulisses avec Val a renforcé mon appréciation positive de cette entreprise.

Dites-nous ce que vous en avez pensé en commentaire ou par mail à contact@projet-adelphite.com ! On se retrouve la semaine prochaine pour notre prochaine invitée qui travaille sur les sujets d’égalité et notamment les boys clubs.

Outro

Nous espérons que cet épisode vous a plu. Vous pouvez nous retrouver sur toutes les plateformes d’écoute mais aussi sur le site, ainsi que sur la page LinkedIn et Instagram de Projet Adelphité ! Tous vos likes, partages, commentaires sur toutes les plateformes d’écoute ainsi que vos 5 étoiles sur Apple Podcast soutiennent notre travail !

A très bientôt pour un nouvel épisode d’Inclusivement vôtre !