#36 Le langage inclusif au quotidien

Inclusivement Vôtre -experte du langage inclusif- Alicia Birr

Pour écouter l’épisode 36

Parce que l’inclusion passe par l’accessibilité de tous nos contenus, notre podcast est retranscrit à l’écrit. Vous pouvez retrouver la transcription écrite de l’épisode ci-après.

Dans cette retranscription, vous allez lire des passages rédigés en écriture inclusive et d’autres non. Chez Projet Adelphité, nous utilisons quotidiennement l’écriture inclusive, c’est pourquoi les interventions de Laura sont rédigées de cette manière. Cependant nous souhaitons retranscrire avec fidélité la parole de l’invité’e. Nous avons donc fait le choix de ne pas appliquer l’écriture inclusive lors de ses interventions.

Bonne lecture.

Transcript Episode #35

Introduction

Bienvenue dans ce nouvel épisode d’Inclusivement Vôtre !

Inclusivement Vôtre, c’est le podcast qui envisage la culture d’entreprise comme un pilier stratégique du développement des organisations, avec un prisme diversité et inclusion.

Je m’appelle Laura Driancourt et je suis l’hôte de ce podcast créé et produit par Projet Adelphité, l’agence de conseil et stratégie en diversité et inclusion qui propose une approche multidimensionnelle pour mettre ce sujet au coeur de la performance des organisations.

Bonne écoute !

Présentation de l’épisode

Pendant trois épisodes, nous échangeons avec Alicia Birr, experte en langage inclusif. Dans la première partie, Alicia a défini le langage inclusif et nous a expliqué comment il était connecté à la culture d’entreprise. Puis dans la deuxième partie, nous avons discuté de l’histoire de la langue française et présenté les bonnes pratiques pour favoriser les initiatives individuelles.

Dans cette troisième partie, Alicia nous explique comment elle sensibilise au langage inclusif dans les entreprises pour faire évoluer les pratiques de la publicité. Elle partage également des bonnes pratiques pour que les entreprises fassent avancer leur politique D&I au quotidien.

Contenu de l’épisode

Laura : Comment ces entreprises qui font de la publicité et de la communication en général ?

Alicia : bah la première étape c’est de les sensibiliser à ce sujet. Toi même tu sais, avec le projet, c’est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Sur le langage inclusif, il y a déjà énormément de d’incompréhension et de de d’idées reçues, de préjugés sur ce que c’est sur ce que c’est pas par exemple, Je ne l’ai pas dit depuis le début, mais je vais le dire deux trois fois maintenant, comme ça, ça sera dit. Le point médian dont on parle partout dans les médias et qui est très associé à l’écriture inclusive. C’est une autre raison pour laquelle je n’emploie pas cette expression est un outil parmi mille outils, ou alors on va dire dix outils à notre disposition. Quand on veut écrire en inclusif, il y a des livres de centaines de pages écrits en inclusif sans point médian. Personnellement j’utilise assez peu, c’est juste un outil qu’on utilise à l’écrit quand on veut faire des abréviations exactement comme quand tu écris « m. » au lieu de monsieur c’est la même chose.

Si tu veux écrire monsieur en toutes lettres écris monsieur en toutes lettres c’est pareil donc le point médian focalise énormément l’attention. Et déjà, quand tu exposes des gens et c’est mon quotidien, tu formes des gens et tu leur dis « mais t’aimes pas Le point médian ?Jette le ! » t’as des gens se détendent, mais alors tout de suite.

Ah bon, on peut faire sans? Oui, bien sûr, tu peux faire sans. Quand je dis bonjour à toutes et à tous, il n’y a pas de point médian. Je peux dire bonjour à tous, éventuellement si je le souhaite. Si je suis dans un contexte avec des gens où je sais, ça va être bien compris, bien reçu. Mais moi, mon objectif c’est la moindre résistance.

Je veux mettre en avant la palette des outils, dont le point médian à certains endroits qui est très intéressant aussi pour plein d’autres raisons, mais pour que les gens aient le choix et la liberté de choisir celui des outils qui leur convient bien. Il y a une analogie que j’aime bien, que je trouve efficace, qui est : si tu dis que tu es contre le langage inclusif parce que tu n’aimes pas le point médian, c’est exactement la même chose que si tu passes devant un restaurant, que tu regardes la carte, que tu vois un plat que t’aimes pas et que tu dis non, j’y vais pas alors qu’il y a cinquante autres plats que t’aimes bien.

c’est la même chose en fait. Donc déjà, il y a beaucoup d’idées conçues à déconstruire. Et ça, c’est la première étape et j’ai construit un parcours de formation qui est en trois étapes. Le premier, c’est sensibiliser les gens, juste les exposer au sujet. Ils comprennent vraiment de quoi on parle de manière aussi à pouvoir se faire un avis informé puisqu’il y a beaucoup de n’importe quoi qui circule.

il faut que les gens puissent se faire un avis informé. Et si des gens sont informés et se disent non quand même, je trouve que ça sert à rien. au moins tu sais que tu vas à l’encontre de cinquante années d’expérience de psycholinguistique qui montrent que, mais au moins tu le sais.

Première étape une fois que t’as fait ça il faut ancrer la pratique. l’expérience que j’ai eue chez Google de former trois cent cinquante personnes, j’ai fait un truc après c’est que je leur ai demandé tout simplement « du coup vous pratiquez, vous pratiquez pas? Et si vous pratiquez pas pourquoi ? » et en fait ce que j’en ai ressorti de ça, c’est que la principale barrière à la pratique c’est la peur.

En fait, on est dans une forme d’insécurité linguistique quand on veut utiliser du langage inclusif parce que on a peur de mal faire. Par exemple, comme on ne connaît pas tous les outils, on se dit Ah mais il faut que je mette des points, mais je ne sais pas où machin on on ne connait pas, donc on a peur de mal faire.

On a peur de passer pour la féministe ou le féministe du service. On a peur de d’être, de passer pour hypocrite. J’ai un homme qui m’a dit « attends moi je suis un homme si je commence à écrire en inclusif.. » après, on trouve que cet argument est légitime ou pas, mais c’était son ressenti. Et on a peur en fait tout simplement de faire quelque chose qui va être reçu comme un acte politique, peu importe.

Et donc il faut lever cette peur et cette peur, tu la lèves pas en faisant quatre- vingt-dix minutes de conférence sur un sujet, pas du tout. Et c’est pareil d’ailleurs, sur tous les sujets, diversité d’inclusion et d’équité, c’est très rare qu’une personne switche juste en ayant été exposée soixante minutes à une conférence si brillante soit-elle, ça n’a pas de rapport.

La deuxième étape, c’est d’ancrer la pratique et pour ancrer la pratique et donc lever notamment ce frein de la peur, on a besoin de quoi ? on a besoin d’un groupe. On a besoin de pratiquer. Concrètement, on a besoin de se faire du feedback. On a besoin de temps.

Et donc en fait la deuxième étape que je vais commencer là, pas plus tard que dans deux jours dans une agence de communication. C’est tu vas faire trois séances. Moi je fais trois séances de quatre-vingt-dix minutes et passer de deux trois semaines dans un groupe de quinze personnes de manière à ce qu’on puisse revoir évidemment les fondamentaux et regarder des exemples très concrets.

Toi, dans ton quotidien, tu travailles dans une agence de com, c’est pas la même chose que si tu travailles dans une mairie. Les les créations publicitaires, les outils que tu vas développer, c’est pas la même chose. Donc il faut parler de ce qui toi te parle en fait. Donc on va regarder des pubs puisqu’on va dans une agence qui fait de la publicité, on va les décortiquer. On va se revoir deux trois semaines après, on va dire « alors qu’est ce qu’on a fait différemment? Qu’est ce que vous avez fait différemment? Qu’est ce qui a marché? Qu’est ce qui n’a pas marché? ». Et donc au bout de trois semaines, j’espère que ça aura ancré la pratique. Et la dernière étape qui n’est pas tant une étape,qui est un complément parce que ça peut se faire en parallèle, c’est d’embarquer toute l’organisation.

En fait, comme je disais tout à l’heure, je pense que le langage a le potentiel en fait de transformer profondément une organisation. Là, tu peux embarquer toute une organisation et aller t’adresser à tous les salarié’es, toutes les personnes quel que soit en fait leur rôle et leur fonction dans l’entreprise, que ce soit la com ou l’informatique ou la cuisine, ou peu importe en fait.

Donc ça, c’est le parcours tel que je l’ai imaginé pour l’instant.

Laura : Super intéressant. Merci de nous l’avoir partagé. On va retourner du côté entreprise mais on va quand même parler de toi encore, on va mélanger les deux. Quelles sont les pratiques des entreprises que tu aimerais voir disparaître?

Alicia : alors il y a une pratique des entreprises que j’aimerais voir disparaître. , qui est le fait de faire appel à des personnes qui sont concernées par des discriminations à des buts en fait de sensibilisation et de formation sans qu’on les rémunère.

Je pense que ça part pas nécessairement d’une mauvaise intention, mais souvent quand arrive un événement, que ce soit le huit mars, le vingt cinq novembre, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, je répète vingt cinq novembre sur les violences sexistes et sexuelles ou violences misogynes, si on veut machiste, expression que je trouve encore plus précise. Bref, à l’occasion de ces événements là, on a souvent envie de faire venir des gens en fait dans les entreprises, à juste titre pour sensibiliser tous les collaborateurs et collaboratrices au sujet. Sauf que souvent, le sujet de diversité, d’équité, d’inclusion, c’est la cinquième roue du carrosse et donc on n’a pas de budget ou plus de budget ou on n’a pas envie d’y consacrer du budget, donc on demande à ces gens sous prétexte en fait, je vais à dessein employer une expression qui est un peu péjorative sous prétexte que ça fait avancer le combat de venir dédier une heure de leur temps à parler à des gens de leur propre parcours de vie. Et moi je trouve que, a fortiori dans les grandes entreprises et chez Google, j’étais heureuse de voir que ça a pas toujours été le cas mais avec le temps, on a appris de ça. En fait, on a arrêté de faire ça. on ne dédie pas quelques centaines ou milliers d’euros au temps d’une personne qui par ailleurs mérite pour toutes les discriminations qu’elle a subi, de voir revenir un peu dans ses poches le prix de ce à quoi elle a pas eu droit précédemment. Je voulais pas sortir le mot anticapitaliste parce que c’est pas nécessairement ça, mais je trouve que c’est injuste pour le coup et équitable retour des profits du capitalisme qui s’est quand même beaucoup bâti sur la force de travail de personnes discriminées.

Que ce même argent retourne dans les poches de ces personnes, même si c’est pas individuellement la même. Donc arrêtons de faire venir un homme trans pour parler de transidentité pendant une heure, répondre à toutes les questions et ne pas le payer. et pareil pour n’importe quelle personne que ce soit une personne noire, une personne handicapée, c’est des gens qui viennent en fait former. Ça te viendrait pas à l’idée d’aller demander à quelqu’un de te donner des cours d’anglais gratuitement, sauf à faire de l’échange ou d’autres systèmes évidemment, mais cette expérience de ces personnes qu’elle transmet a de la valeur. Ces personnes ont fait un travail, souvent ces personnes créent du contenu en fait. Et ben c’est pareil ça ça a de la valeur et donc ça se paye. Donc arrêtons de ne pas les payer, payons les .

Laura : A contrario quelles sont les pratiques des entreprises que tu aimerais voir davantage?

Alicia : Si on change un peu, on en a parlé un tout petit peu au début. Je pense qu’il y a beaucoup à faire sur la question du recrutement. Parce qu’en fait, la base d’ avoir une entreprise diverse, c’est recruter des personnes qui sont différentes. je voyais il y a pas très longtemps passer sur LinkedIn un titre pour un séminaire qui m’a frappé. Qui était « Comment recruter dans l’urgence votre collaborateur en moins de trois semaines ? je passe sur l’usage du masculin. Voilà. Parce que tu peux avoir envie de recruter des collaboratrices aussi.

Mais ça, en fait, c’est la première raison pour laquelle je pense les entreprises ne sont pas assez diverses, c’est qu’on recrute toujours dans l’urgence. Et quand on recrute dans l’urgence, vite, on fait au plus simple. Et le plus simple, c’est en général son propre réseau et son propre réseau de manière tout à fait normale et légitime. C’est souvent composé de gens qui nous ressemblent. c’est comme ça et c’est pas grave. Mais donc travailler la question du recrutement, ça passe par plusieurs choses. j’aimerais voir plus le CV anonyme parce que c’est celui qui permet aussi de se focaliser sur les compétences de la personne et pas tant sur sa personnalité. Après on peut. En fait, c’est un sujet intéressant parce qu’on peut discuter aussi du fait de Si tu veux avoir une entreprise diverse, c’est difficile de passer à voir qui est derrière en fait le CV. Mais en fait, un processus de recrutement, ça se fait en plein d’étapes. Le CV, c’en est un, c’est pas la totalité des étapes.

mais à la base, tu cherches quand même une personne pour ses compétences, donc ça peut être une première étape. Après J’aimerais voir aussi plus répandu dans les entreprises comme en l’occurrence qu’on avait chez Google des guides d’entretien inclusifs. C’est à dire qu’il ne faut pas qu’aillent en entretien et maintenant ça me choque quand j’y repense des gens et je ne parle pas de est-ce que c’est les RH ou pas les RH, chez Google, c’est pas les RH qui font passer les entretiens, c’est les opérationnels et c’est très bien. Les opérationnels y vont avec un guide d’entretien, avec les mêmes questions pour tout le monde et des questions qui sont pensées pour ne pas être intrusives et pour être pour le coup inclusive.

C’est-à-dire qu’ on va te on ne va pas te demander est-ce que t’as des enfants est-ce que t’en as pas quel âge Par ailleurs c’est illégal mais enfin on sait que c’est pas parce que c’est illégal que ça n’existe pas malheureusement. Mais au-delà du fait de ne pas poser la question explicitement on va dire explicitement aux gens avant l’entretien rappelle-toi tu n’es pas censée t’intéresser d’une manière ou d’une autre à la vie personnelle de cette personne pour le moment, ça peut venir typiquement dans le cadre d’un entretien avec une personne qui est handicapée. il y a un moment où tu peux avoir envie d’en parler ou et demander l’autorisation d’en parler pour savoir si par exemple, t’as besoin de dispositions particulières pour bosser. Mais ça c’est différent.

Encore une fois, un recrutement, ça doit se faire en plusieurs étapes.

la dernière chose donc, après la question de l’anonymat des CV, la question du guide d’entretien, c’est la question du temps. En fait, il faut se laisser du temps pour recruter. Parce que si tu veux recruter vite, tu vas forcément aller au plus simple, comme je viens de le dire.

le temps c’est de l’argent, oui, mais il faut aussi de l’argent pour recruter. Donc tu peux aussi te rapprocher de cabinets qui sont spécialisés dans le recrutement de profils variés. Et oui, ça prend plus de temps et éventuellement ça va demander de l’argent. Mais enfin franchement notamment dans les grosses boites le recrutement c’est un budget de toute façon. Donc si tu veux mettre de l’argent, tu peux aussi le mettre dans des entreprises qui vont te permettre d’avoir des profils de candidats et de candidates plus diversifiés. Parce que la raison pour laquelle on fait ça aussi, c’est pas juste parce que c’est beau et c’est bien et ça fait bonne case à cocher, c’est parce que les équipes plus diverses sont plus performantes.

Donc c’est une question de pérennité de ton entreprise de profitabilité de ton entreprise si on veut reparler pour le coup de choses capitaliste. Ben en fait si tu veux gagner plus d’argent dans le temps ou maintenir ton activité, t’as intérêt à avoir des entreprises plus diverses.

Laura : C’est intéressant qu’on parle des profitabilité des entreprises, etc. On va parler des challenges que rencontrent les entreprises. Pour toi, quel est le plus gros challenge dans le développement d’une culture d’entreprise qui soit saine et inclusive?

Alicia : Une entreprise plus diverse ça va assez bien construire sur ce que je viens de dire. Il y a un concept que j’ai découvert quand j’étais chez Google, justement, qui pour moi est un vrai challenge et qui est lié à cette question du recrutement. C’est le concept de culture add versus culture fit. Je sais pas si tu en as déjà entendu parler, mais il y a une vidéo qui est cool. Si tu cherches sur YouTube, c’est une vidéo de dix quinze minutes d’un chercheur, je crois de Stanford, qui a fait une analyse en fait sur les entreprises de la Silicon Valley en fonction des critères de recrutement au moment de leur création. Donc t’as différents critères, tu vas recruter sur les compétences sur le potentiel et si je ne me trompe pas et donc le troisième c’est culture c’est-à-dire est-ce que en termes de personnalité tu vas voir si ça va matcher ça va correspondre à ce qui est déjà un peu la culture de l’entreprise et ce qu’il a démontré en regardant en fait la valorisation de ces entreprises sur un temps long, c’est que les entreprises qui embauchent sur le culture démarrent plus vite. C’est-à-dire que quand tu vas recruter des gens qui te ressemblent pour démarrer une boîte, ça fonctionne en fait, les gens qui se comprennent viennent des mêmes milieux, ont les mêmes codes, peuvent communiquer facilement. Ça va vite, ça démarre et ça monte vite.

par contre sur le temps long, leur profit, leur valorisation va avoir tendance à ralentir leur croissance plutôt, pardon va stagner va ralentir. Pourquoi? Parce que ce manque de diversité est aussi synonyme de manque d’innovation. Parce qu’en fait, s’il y a que des personnes qui sont très homogènes dans leur profil, dans leurs compétences, dans leurs expertises bah comment est-ce que tu fais venir de la curiosité, de l’innovation, de la disruption pour employer un mot qui fut un temps à la mode?

Ben c’est plus compliqué donc en fait à la place du culture. Donc ce qui va matcher avec la culture des existantes. On prône plutôt la culture add, donc en anglais, ça veut dire ajouter. Donc qu’est ce qui va venir ajouter à ta culture plutôt que renforcer ce qui existe déjà dans ta culture? Et pour moi, ça, c’est un énorme challenge qui est lié à cette idée du recrutement.

Est-ce que tu vas te dire est-ce que je veux embaucher une personne qui a le même profil que les disques que j’ai déjà avant moi, parce que je sais que ça va fonctionner ça va aller vite. Le temps de mise en oeuvre des projets va être rapide ou est-ce, que je veux faire un pas de côté, me dire je vais prendre un peu plus de temps peut être. En effet, je vais prendre une entreprise spécialisée, un cabinet de recrutement spécialisé ou briefer tout simplement en fait, le recruteur ou la recruteuse sur le fait que je veux une personne qui n’ait pas fait telle ou telle école ou qui ai un parcours un peu atypique, même si c’est un mot dont on pourrait aussi parler pendant deux heures. ça, ça va te permettre d’ajouter à ta culture et ça je trouve que c’est un énorme challenge.

Laura : L’humain est plus à l’aise lorsqu’il n’est pas challengé dans sa manière d’envisager les choses.

Et ça revient à tout ce qui est entre soi. et nous, on en parle pas mal d’entre soi, forcément qu’il faut lutter contre ça. Et une bonne manière, à mon sens, de lutter contre l’entre soi aussi c’est d’expliciter les choses, d’expliciter les pratiques, d’expliciter les fonctionnements. parce que notamment pour les personnes neuro atypiques qui ne perçoivent pas nécessairement l’implicite ou alors c’est compliqué. Quand on explicite en fait ça se passe beaucoup mieux et c’est plus facile de s’adapter et cetera.

Et je rajouterai que c’est souvent utilisé comme excuse pour rompre les périodes d’essai des personnes qui sont minorisées parce qu’en fait il y a du racisme, du sexisme, de l’homophobie et que la personne ne rentre pas dans le cadre. Elle ne rentre pas dans le moule qu’on aimerait dans lequel elle rentre.

. Et toujours dans les gros challenges, la question n’est pas exactement la même, même si elle se complète très bien avec la précédente. Pour toi, quel est le plus gros challenge qui attend les entreprises quand il s’agit de diversité, équité et inclusion?

Alicia : je pense que le plus gros challenge c’est de faire en sorte que ce ne soit pas un exercice de case à cocher parce que tout à l’heure, j’ai explicité la mécanique des OAR, donc des objectifs avec les résultats mesurables. Le risque aussi d’une pratique comme Celle-ci, parce que c’est un risque dont il faut avoir conscience, c’est que ça ne devienne qu’un exercice de case à cocher qu’on dise Ben voilà tes objectifs et si tu les as fait, c’est bien, potentiellement si tu les as pas fait, c’est pas bien et tu peux être pénalisé ou pas. Mais potentiellement la compréhension de pourquoi on le fait? Et l’authenticité de la démarche et je trouve que c’est un challenge dans les entreprises et c’est pour ça que J’ai aussi pour ambition d’accompagner notamment les dirigeants et les dirigeantes dans des prises de parole qui soit authentiquement inclusives et des comportements au-delà des prises de parole en fait qui soit authentiquement inclusives. c’est bien beau de dire ça, mais ils ne le pensent pas vraiment ou elle ne le pense pas vraiment et je pense que le challenge c’est de un peu comme d’ailleurs tous les sujets de R S E de manière générale en réalité à la fois pour le leadership d’être authentique dans sa démarche et d’y consacrer une énergie mentale réelle et en même temps, pour les personnes qui ne sont pas dans leadership, d’accepter en fait d’accueillir le fait qu’il est possible que ce soit authentique de pas être dans une posture de méfiance systématique qui est légitime, que je peux comprendre franchement. Mais en vrai, si on est systématiquement méfiant par rapport à un leadership qui lui-même a du mal à être authentique parce que les personnes sont elles-mêmes prises dans les stéréotypes de « c’est quoi un bon leader ou une bonne leader? ». Il y a pas longtemps, j’ai fait un post sur Linkedin avec une couverture du magazine Entreprendre où il y avait écrit « Devenir incassable », ça m’a rendu folle parce que malgré tout, moi je vis dans un milieu où c’est bienveillance et bisounours. Mais la réalité du monde de l’entreprise, c’est qu’on veut des leaders incassables c’est problématique. Donc il faut, Je pense à la fois cette authenticité et cet accueil et essayer de sortir de la posture de méfiance autant que possible.

Dans mon poste, je disais C’est quand même ballot que à l’époque de la très grande Brené Brown si vous ne la connaissez pas, aller écouter sur YouTube son TEDtalk devenu très connu « le pouvoir de la vulnérabilité ». On a besoin de leader et de manager qui enlèvent ce qu’elle appelle leur leadership qui porte une armure.

Et c’est ça pour moi aussi la recette ou la clé d’un discours proprement authentique, c’est un discours qui part de toi. C’est pas parce que t’es un homme blanc de plus de cinquante ans qui est leader d’une entreprise que tout le monde te déteste. Je crois que c’est une question qui vient après, mais le truc que je ne veux plus entendre, c’est « non, mais ça devient compliqué d’embaucher des hommes aujourd’hui ». Ca, moi je l’ai entendu, c’est pas possible, non C’est pas compliqué d’embaucher des hommes. Donc c’est juste que c’est forcé que même en tant que personne qui représente un peu ce stéréotype de l’homme privilégié, ça me semble très compliqué d’imaginer qu’en fait, si tu cherches un peu au fond de toi, t’as pas été témoin ou victime toi même d’une discrimination quelle qu’elle soit et que tu puisses pas puiser là dedans l’empathie nécessaire pour rentrer en connexion avec des personnes qui sont encore plus discriminées que toi. je pense que c’est difficile, tout le monde doit pouvoir travailler cette empathie là.

Laura : en fait, l’opposition d’ Incassable, c’est vulnérabilité exactement mille fois d’accord. Pour moi, l’empathie, c’est comme un muscle, c’est comme un talent aussi. Il y a des gens par exemple, je vais prendre le fait de dessiner. Il y a des gens naturellement savent extrêmement bien dessiner. Mais s’ils ne l’entraînent pas, ce talent, il va rester là.

Et il y a des gens qui ne savent pas dessiner à la base et qui s’entraînent et qui s’entraînent tous les jours, dessinent une demi heure, une heure et au bout de quelques mois, quelques années peuvent devenir meilleurs que les gens dont c’est le talent naturel. Et pour moi, l’empathie, c’est pareil. Il y a des gens qui naissent avec une plus ou moins jauge d’empathie.

avec l’éducation qu’on reçoit, on va développer et pousser cette empathie ou pas. Et c’est vrai que les garçons dans l’éducation qui reçoivent, on la pousse pas du tout cette empathie et ça, c’est un vrai sujet, c’est un vrai problème pour avoir des relations plus saines, plus équilibrées et aussi vis-à-vis de soi-même, d’être plus bienveillant envers Soi-même et les filles.

On les incite beaucoup à développer cette empathie, au point que ça devient même parfois du sacrifice pour les autres. Puisqu’elles s’oublient dans le processus. et pour moi, et en plus il y a de plus en plus d’études et de recherches qui montrent que les leaders, lorsque iels montre la vulnérabilité, on a des équipes qui se sentent mieux, qui osent prendre plus de risques, etc.

Et donc oser prendre plus de risques. Ça veut dire que l’entreprise va peut être faire de meilleurs profits aussi derrière, même si pour moi, vraiment, le coeur de tout ça, c’est quand même avoir des relations humaines plus apaisées, plus sereines et plus saines en général. Mais c’est vrai que la je pense à cette à cette image qui est, je crois, chinoise du chêne et du roseau.

Lorsque le vent souffle à terme, le chêne peut être déraciné et c’est lui qui est vu comme un incassable à la base. Sauf que le roseau, il va plier, mais jamais il ne va casser. Et c’est vrai à mon sens que c’est mieux d’être un roseau parfois tu te fais un peu bringuebaler mais tu ne casses pas, tu as de la flexibilité et donc une certaine vulnérabilité.

Alicia : Bon là ça sera un autre podcast pour une prochaine fois mais juste parce que je pense que ça, ça résonne par rapport à moi par rapport à une autre corde que j’ai, qui est le fait d’être moi.

Je me suis certifiée il y a deux ans, alors il y a beaucoup de choses qui sont dites ou pensées je pense. C’est un petit peu comme le langage inclusif. Il y a beaucoup de préjugés sur cette pratique qui en fait, est très concrètement juste une pratique de questionnement qui aide les gens à se mettre en mouvement vers un objectif point.

Voilà, c’est pas du conseil, c’est pas de la thérapie, c’est juste ça. Mais en fait c’est très impactant et très très transformant et c’est intéressant. D’accompagner justement les personnes, quelles qu’elles soient en vrai manager, leader, contributeurs ou contributrices individuelles, à prendre conscience en fait du pouvoir, de leur propre vulnérabilité, de leur propre empathie et aussi au coach comme aux personnes de l’entourage et donc à l’entreprise à valoriser ça. Parce que si on dit que en tout cas dans ma définition, la culture entreprise, c’est toutes les valeurs et les comportements qui sont valorisés. tu peux avoir une culture d’entreprise qui valorise la vulnérabilité. Donc ça veut dire se faire taper dans le dos positivement Tu vois, on se dit t’as le truc le plus cliché, c’est « oui, t’as pleuré, t’es manager, t’as pleuré en réunion? » Bah en fait c’est pas grave, tu vois, c’est OK et il y a encore même dans des entreprises comme Google, des gens qui disent non mais moi je suis manager, je ne peux pas montrer mes émotions. Au contraire, c’est parce que tu montres tes émotions parce qu’elles sont authentiques que les gens vont se sentir bien avec toi en tant que manager. Enfin après c’est ma condition personnelle et c’est comme ça que j’ai pratiqué.

Laura : Super intéressant. Et ben on parle d’idées reçues, on va y arriver sur les questions de conclusion et d’idées reçues. Du coup, une idée reçue sur la culture d’entreprise.

Alicia : on l’a un petit peu dit et j’aimais bien ce que t’as dit sur le fait d’expliciter les choses. Pour moi, une idée reçue sur l’entreprise, sur la culture d’entreprise, c’est que c’est quelque chose qui est pas formalisé chez Google. La culture d’entreprise alors évidemment, il y a quelque chose d’intangibilité, mais c’est possible et à mon sens souhaitable de la formaliser. On avait par exemple il existe toujours chez Google un document qui s’appelle les trois Respects.

respecter l’utilisateur l’opportunité voilà et pour moi ça c’est important que ce soit formalisé, documenté, parce que ça permet en fait d’avoir quelque chose vers quoi se tourner quand on observe un manquement en fait à ce qu’est la culture de l’entreprise. Et c’est pas dans une démarche de pénaliser pour le coup de taper sur les doigts, mais en fait quand t’as quelqu’un qui arrive dans une boîte et que cette culture, elle est formalisée dans un document et qu’elle émane encore une fois en fait, de tout ce qui est autour de toi, de ton bureau, de ton environnement, de la manière dont ton entretien annuel est conduit etc. pour moi, ça permet de faire en sorte que cette culture entreprise, elle soit vivante parce qu’il y a plein de boîtes dans laquelle notre culture entreprise, elle est pas très vivante en fait, parce qu’elle est pas forcément formalisée. Le fait de la formaliser, ça permet aussi à chacun et chacune d’y revenir, de le citer. Ça, pour moi, c’est important.

Laura : Super en complément, une idée reçue sur la diversité et l’inclusion.

Alicia : Ça va un petit peu rejoindre ce que j’ai dit tout à l’heure. C’est-à-dire que c’est que ça ne sert pas à grand chose, que c’est pour se donner bonne conscience et que c’est surtout décorrélé de la question de la performance de l’entreprise. on en a aujourd’hui cité.

Enfin, tu disais déjà tout à l’heure, On a des études qui montrent qu’une entreprise plus diverse est une entreprise qui est plus profitable que les entreprises qui ont un comité exécutif paritaire ou en tout cas le plus elles sont paritaires, plus elles sont rentables. En fait, on le sait, c’est des chiffres qui sont fait par des cabinets qui ont pignon sur U B C G et compagnie, donc de ne pas avoir conscience que c’est un enjeu de justice sociale, de relations humaines, mais aussi un enjeu économique et de business c’est dommage.

Laura : Oui et pour finir, quelles phrases ou expressions tu ne veux plus entendre ?

Alicia : Il y en a plein en fait que je voudrais plus entendre Évidemment, « on ne peut plus rien dire » tout ça. Bon voilà, on ne va pas forcément revenir dessus. « aujourd’hui c’est devenu impossible d’embaucher des hommes », c’est pareil et peut-être de manière plus générale pour conclure cette notion du langage inclusif aussi, qui est le coeur de mon sujet, c’est au-delà d’une phrase. C’est une attitude que j’aime pas voir que j’aime pas recevoir qui consiste à, quand quelqu’un va te faire une réflexion sur le fait de se dire c’est dommage qu’ au bureau, quatre vingt dix pour cent des noms des salles de réunion, c’est des noms d’hommes en fait, c’est dommage qu’il y ait pas « ça va, c’est que des salles de réunion ».

Tu vois cette attitude qui consiste à minimiser l’importance qu’a le fait d’utiliser alors là, en l’occurrence des noms qui soient représentatifs de la diversité des gens, ou de dire le huit mars, pas journée de la femme Journée internationale de lutte pour les droits des femmes en fait, vraiment cette attitude de minimisation de l’importance donc de ne pas faire l’effort de comprendre en fait qu’il y a le problème. Après encore une fois tu peux être d’accord ou pas d’accord, mais d’avoir un avis informé et une posture d’accueil bienveillant en fait de la remarque que tu peux avoir sur le mot et a fortiori encore plus, pas que les salles de réunion. C’est dommage mais quand c’est pas les personnes «Je préfèrerai pas que tu dises de moi que je suis une femme black mais je préfère tu décrive comme une femme noire, d’ailleurs Est-ce que t’as vraiment besoin de dire que je suis noir en réalité ? ». On n’est pas toujours dans le contexte professionnel. Ça, c’est une attitude que j’aimerais voir disparaître.

Laura : on espère que ça va se produire au fur et à mesure. Et j’ai une toute petite dernière question que je pose à tout le monde à la fin de cet enregistrement. Comment tu te sens?

Alicia : Je me sens énergisée parce que comme tu l’as dit, je suis passionnée par ce sujet et j’adore en parler. Donc je pense que c’est ça, je me sens énergisée!

Laura : Trop cool! Eh bien écoute, merci beaucoup Alicia, ça a été un plaisir d’enregistrer avec toi. Et puis pour les personnes qui nous écoutent, on se retrouve très vite pour un nouvel épisode d’ Inclusivement Vôtre.

Conclusion de l’épisode

Notre échange avec Alicia résume parfaitement les messages que nous cherchons à délivrer à nos clients : enrichir la culture de l’entreprise, ralentir et ne plus recruter dans l’urgence, expliciter les pratiques et la culture de l’entreprise, pour enfin permettre plus d’authenticité.

Cet épisode est le dernier de l’année. Tu peux retrouver tous les épisodes précédents sur ta plateforme préférée de podcasts. Nous nous retrouverons en 2024 pour la saison 4 d’Inclusivement Vôtre. D’ici là, si tu as besoin de conseil pour construire votre stratégie en diversité et inclusion ou sensibiliser vos équipes, tu peux nous envoyer un mail à contact@projet-adelphite.com.

Outro

Nous espérons que cet épisode vous a plu. Vous pouvez nous retrouver sur toutes les plateformes d’écoute mais aussi sur le site, ainsi que sur la page LinkedIn et Instagram de Projet Adelphité ! Tous vos likes, partages, commentaires sur toutes les plateformes d’écoute ainsi que vos 5 étoiles sur Apple Podcast soutiennent notre travail !

A très bientôt pour un nouvel épisode d’Inclusivement vôtre !